A travers un communiqué de presse officiel en date du 26 février 2020 relatif à l’audit du ministère de la défense nationale, le Gouvernement nigérien a ouvertement dévoilé sa ferme volonté d'enterrer les sacro-saints principes de la séparation des Pouvoirs, d’égalité des citoyens devant la loi et d'indépendance de la justice, lesquels principes constituent pourtant le socle de l'Etat de Droit et de la Démocratie.
En effet, après avoir rappelé et admis les graves et innombrables malversations financières commises au préjudice du peuple nigérien, révélées par le rapport d'audit réalisé au ministère de la défense, le Gouvernement, en lieu et place d'une poursuite pénale, annonçait à la surprise générale, avoir décidé «de faire rembourser les montants indûment perçus soit en raison de surfacturation soit au titre des paiements de service et livraisons non effectués ou Partiellement effectués et que seuls les dossiers des fournisseurs qui refuseraient de s‘exécuter seront transmis aux tribunaux compétents ».
A travers cette décision, digne d'un régime d’exception, le Gouvernement, en violation de l'article 76 de la Constitution définissant ses attributions, s'est non seulement arrogé les attributions du procureur de la République qui, de par la loi, est la seule autorité habilitée a apprécier l’opportunité de la poursuite, mais également a failli à l’obligation légale incombant à toute autorité constituée de dénoncer a celui-ci tout fait constitutif d'une infraction à la loi pénale dont elle acquiert connaissance dans l'exercice de ses fonctions, en application de l'article 39 du code de procédure pénale.
Pire, en agissant comme il l’a fait, le Gouvernement s‘érige en juridiction, en violation flagrante des articles 10, 116, 117 et 118 de la Constitution et de l'article 1er de la loi organique portant organisation judiciaire au Niger, et consacre une nouvelle catégorie de citoyens, justiciables de la très indulgente juridiction gouvernementale, auxquels on donne le choix de rembourser les colossaux montants des deniers publics qu‘ils sont soupçonnés d’avoir détournés sous peine d'une hypothétique poursuite judiciaire ou administrative, a l’opposé du commun des mortels qu’on peut faire arrêter et poursuivre pour toute atteinte aux biens et deniers publics.
Au demeurant il est à relever et à fustiger, la minimisation par le Gouvernement, du trouble à l’ordre public suscité par cette affaire en cherchant à atténuer la gravité des manquements relevés alors même qu'ils sont susceptibles de recevoir une qualification pénale. Face à cette dérive compromettant irrémédiablement la crédibilité, l'image et la survie de la justice, le syndicat autonome des magistrats du Niger /SAMAN, au nom de la défense des intérêts moraux du corps et de l'institution judiciaires, se fait le devoir républicain de rappeler au Président de la République le serment qu’il a prêté sur le saint coran, de respecter et faire respecter la constitution, laquelle a consacré les principes susvisés et allègrement bafoué par le Gouvernement.
Avec cette nouvelle posture gouvernementale, le BEN comprend désormais, pourquoi le Gouvernement est très allergique aux revendications du SAMAN visant à corriger les lacunes et imperfections de certaines lois qui empêchent à la justice d'être véritablement indépendante et à doter les juridictions de moyens de fonctionnement conséquent à la hauteur de leurs missions.
Sinon comment la justice peut-elle être véritablement indépendante lorsque les magistrats du siège sont nommés et affectés par un organe présidé par le Président de la République et comprenant en outre des représentants des pouvoirs exécutif et législatif d’une part et que les magistrats du parquet sont subordonnés au ministre de la justice, d’autre part?
Comment les magistrats peuvent-ils se sentir indépendants lorsque leur carrière est gérée à vue sans aucun plan de carrière et que l’organe délibérant chargé de cette gestion fonctionne sans règlement intérieur ?
Aussi, comment peut-on envisager une justice indépendante avec un budget de moins d'un milliard destiné au fonctionnement des juridictions ?
En réaction à cette manœuvre gouvernementale visant à liquider a jamais le corps et l’institution judiciaires, le Bureau Exécutif National du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger, BEN/SAMAN :
Demande au Procureur de la République prés le tribunal de grande instance hors classe de Niamey, au nom des principes de la séparation des pouvoirs et de l’égalité des citoyens devant la loi, de requérir l'ouverture d'une information judiciaire dans l’affaire dite de audit du Ministère de la Défense pour que toute la lumière soit faite et que les responsabilités soient situées ;
Invite ses militants et l’ensemble des citoyens épris de justice, à se mobiliser plus que jamais et à user des voies et moyens légaux pour l'affirmation d‘une justice véritablement indépendante, dernier rempart contre l'arbitraire et les abus de toute sorte;
Projette d’observer à titre de protestation une « journée justice morte » et invite l'ensemble des corps de la famille judiciaire à y prendre activement part.
Vive le Niger !