La société touarègue qui vit dans le nord du Niger, matriarcale par essence, a longtemps réservé une place de choix à la femme qui est considérée comme le pilier de la famille et la gardienne des traditions. A ce titre, celle-ci jouit d’une considération à faire pâlir d’envie les femmes des autres communautés.
La beauté des femmes touarègues est légendaire. Elle a inspiré nombre d’auteurs et de voyageurs qui ne tarissent pas d’éloges à leur égard. Outre le fait de donner une bonne image de cette société, celle-ci y joue également un grand rôle.
Selon Ibrahim Manzo Diallo, journaliste vivant à Agadez et ayant consacré un ouvrage à la culture touarègue, « dans la société touarègue, la séparation entre les sexes est peu marquée dans la vie courante. Nonobstant sa place de gardienne de foyer, la femme participe activement à la vie de la communauté et pour toutes les questions sensibles son avis est recherché ».
En ce sens, poursuit-il, « elle influence fortement la vie de la société qui évolue en fonction du jugement éventuel que celle-ci va porter sur chacun ». De manière générale, « la femme touarègue est dispensée des corvées harassantes comme la corvée d’eau et la corvée de bois. Des tâches qui sont généralement le quotidien des femmes dans beaucoup de communautés et dont s’acquittent ici volontiers les hommes ».
La société touarègue est une société d’obédience musulmane, mais qui s’apparente à une société monogame au sein de laquelle la femme s’est longtemps appuyée sur le fait que la religion autorise la polygamie, mais ne contraint pas l’homme à avoir plusieurs femmes.
Dans cette société raffinée, à bien des égards, et maitrisant les subtilités de la langue, la place de la femme est d’autant plus importante que c’est sur elle que repose l’éducation des enfants à qui elle doit apprendre la bienséance, la langue dans toutes ses subtilités, mais aussi le « Tifinagh », l’écriture touarègue.
Le mariage chez la femme touarègue
Les mariages touaregs sont souvent arrangés et la femme, du moins pour son premier mariage, ne peut que se soumettre à la volonté de ses parents auxquels il revient de lui trouver un « bon » mari.
A première vue, on pourrait croire que son sort est peu enviable, mais les avantages qu’elle tire de son nouveau statut compensent largement les désagréments supposés de cette union imposée.
Le mariage est scellé par une dot appelée « Taggalt » qui se compose de chameaux, de bœufs ou de petits ruminants, offerts par la famille du prétendant.
A ce troupeau ainsi constitué, viendront s’ajouter les animaux donnés en guise de contribution par les amis et les autres membres de la famille. Il constituera pour la femme un patrimoine sur lequel personne, même pas son mari, n’aura des droits car, il faut le préciser, le régime matrimonial en vigueur chez les Touaregs est celui de la séparation des biens.
Ainsi, pendant que son mari puise dans son patrimoine pour subvenir à ses besoins, la femme a tout le loisir de faire tranquillement progresser son troupeau. Ce qui lui garantit une certaine autonomie financière.
La vie de couple chez les Touaregs
Chez les Touaregs, se marier signifie « fabriquer la tente » ou « nouer la tente ». Considérée comme l’univers de la femme, la tente est fournie avec le mobilier et le matériel domestique par la famille de la mariée. Cette tente qui sera construite selon un rituel particulier dans la tribu de la femme, devra également accueillir le marié qui n’aura désormais plus d’autre toit.
Les mariés vivent ainsi leur vie de couple pendant un certain temps dans la tribu de la femme et lorsque le mari le décidera, le couple retourne habiter chez lui. La femme démonte alors sa tente et suit son époux jusqu’au nouveau lieu d’habitation où elle va la remonter.
Dans la tradition touarègue, la femme est pratiquement considérée comme l’égale de l’homme. Elle est présente au cours des assemblées de prise de décision (jusque dans la cour du Sultan de l’Aïr). En outre, dans cette société, un homme ne doit en aucun cas porter la main sur une femme car, explique M. Baco, un homme d’affaires touareg qui vit à Niamey, «frapper la femme, équivaudrait inévitablement à une déclaration de divorce. Ce qui, dans la société touarègue, était très rare ».
Si toutefois cela devait arriver, explique Ibrahim Manzo Diallo, « de la même façon que la femme est venue avec sa tente, elle la démonte et retourne chez elle avec tout le mobilier qu’elle contient. Si ce n’est l’homme qui la quitte, lui laissant enfants, animaux, et toutes les richesses…»
Cette particularité, explique M. Baco, sourire au coin des lèvres, « est même devenue un sujet de plaisanterie entre nous et nos cousins Sonraïs (Djerma) qui ne ratent aucune occasion de nous rappeler que nous n’avons pas de maison et que nous vivons chez nos femmes. Mais voilà, c’est notre tradition et nous la respectons…»