Lors de la séance du Conseil de sécurité d’aujourd’hui pour faire le point sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la note d’orientation du Secrétaire général sur la justice transitionnelle et de tirer parti des expériences pratiques, examiner les meilleures pratiques et les facteurs susceptibles de contribuer au succès du processus de justice transitionnelle, le ministre des affaires étrangères, M. Kalla ankouraou a fait une intervention dans laquelle il a mis l’accent sur la nécessité de promouvoir la réconciliation et de briser le cercle de l’impunité.
Il a souligné la pertinence du thème car, la justice transitionnelle a joué et continue de jouer un rôle déterminant dans les périodes de conflit et post conflit, et tout particulièrement en Afrique. Un rôle d’ailleurs reconnu par les Nations Unies, estime le ministre ainsi que le souligne, dans son rapport de 2004 sur l’état de droit et la justice transitionnelle, le Secrétaire général des Nations Unies qui disait que «le traitement du passé a pour but d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation».
Le ministre cite sur le même sujet les propos M. Guterres actuel SG de l’ONU qui, lors d’un débat public organisé par le Conseil de sécurité en 2018, déclarait que «La réconciliation ne saurait se substituer à la justice, ni même ouvrir la voie à l’amnistie pour les crimes les plus graves».
Le ministre des Affaires étrangères a ensuite souligné la nécessaire de promouvoir la réconciliation et briser le cercle de l’impunité. «Une réconciliation réussie contribue à prévenir la résurgence des conflits et permet de les résoudre de façon durable», a-t-il déclaré avant d’assurer du soutien du Niger aux actions des Nations Unies dans le cadre de la justice transitionnelle, notamment celles qui visent directement à garantir la consolidation et la pérennisation de la paix.
Toutefois, précise-t-il la justice transitionnelle doit tenir compte de la nature et de la complexité des conflits, et favoriser la participation de toutes les franges sociales, notamment les femmes, les jeunes, la société civile et autres leaders d’opinions, si elle veut atteindre son objectif.
Le ministre Kalla Ankouraoua a exprimé l’appel du Niger en faveur d’un renforcement des capacités des missions du Haut Commissaire aux droits de l’homme afin de mieux protéger les populations civiles, en particulier les plus vulnérables que sont les femmes et les enfants. «Le Niger soutient les résolutions 70/262 de l’Assemblée Générale et 2282 du Conseil de sécurité, qui mettent un accent particulier sur le caractère fondamental de la justice transitionnelle, dans les efforts de pérennisation de la paix», a-t-il déclaré, tout en reconnaissant l’existence d’une diversité de modèles en matière de justice transitionnelle.
Le ministre des Affaires étrangères, a dans ce sens, indiqué que le Niger souscrit à la politique de justice transitionnelle de l’Union Africaine adoptée en février 2019, et à propos de laquelle le Président de la Commission, M. Moussa Faki Mahamat disait que :
«la justice transitionnelle est indispensable à la promotion des droits de l’homme et de la justice, de la paix et de la sécurité, de la bonne gouvernance et du développement». D’où d’ailleurs, l’intérêt pour l’Union africaine de disposer d’un référentiel de justice transitionnelle authentique au continent et qui valorise les systèmes africains de justice traditionnelle et les expériences vécues.
Il a reconnu qu’il est nécessaire de promouvoir la réconciliation, mais, a-t-il précisé, il est tout aussi important de briser le cercle de l’impunité. Le recours réussi à une justice transitionnelle et la mise en œuvre d’un processus de réconciliation véritable contribuent à prévenir la résurgence des conflits et permettent de les résoudre de façon durable, a—t-il souligné.
Depuis qu’il est en conflit avec les groupes terroristes qui attaquent les populations sur certaines de ses frontières, le Niger a créé la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP), un dispositif auquel a été confié la mission d’assurer les besoins essentiels des populations victimes, de veiller à la justice transitionnelle, ainsi que d’instaurer un climat de confiance entre cette population et les forces de sécurité.
Ce dispositif, qui bénéficie d’un soutien décisif du système des Nations Unies et d’autres partenaires, connait des succès importants, s’est-il réjoui. Enfin, le Ministre a rappelé que le Niger avait souscrit à la politique de justice transitionnelle de l’Union africaine (UA) adoptée en février 2019. Il a souligné l’importance pour l’UA d’avoir un référentiel de justice transitionnelle authentique africain, riche de ses méthodologies et de ses approches progressives, et ancré dans les valeurs africaines communes, les systèmes africains de justice traditionnelle et les expériences vécues.
Pour sa part, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet a encouragé le Conseil de sécurité reconnaître et à utiliser pleinement l’impact transformateur de la justice transitionnelle pour la paix et la sécurité internationales.
« J’encourage le Conseil de sécurité à reconnaître et à utiliser pleinement l’impact transformateur de la justice transitionnelle dans son examen des questions de paix et de sécurité internationales », a-t-elle déclaré.
« La communauté internationale, et ce Conseil en particulier, ont un rôle clé à jouer pour aider les États en transition dans ces processus complexes – en partageant leurs expériences, en demandant un soutien international et en encourageant la mise en œuvre d’approches véritablement globales », a-t-elle ajouté.
La paix n’éclate pas automatiquement lorsque les armes se taisent et que les crimes d’atrocité cessent – Michelle Bachelet
Rappelant qu’une paix durable est liée à la justice, au développement et au respect des droits de l’homme, la Haut-Commissaire a souligné que « la paix n’éclate pas automatiquement lorsque les armes se taisent et que les crimes d’atrocité cessent ».
Ainsi, au Soudan, le récent renversement du régime a été en grande partie motivé par des demandes de justice dans toute la société, construites au cours de décennies d’impunité pour les violations des droits.
Notant que les processus de justice transitionnelle ont montré à maintes reprises qu’ils pouvaient aider à répondre aux doléances, elle a déclaré que sa propre expérience au Chili l’avait convaincue que des processus spécifiques au contexte, pris en charge par le pays et axés sur les besoins et les choix éclairés des victimes pouvaient renforcer et transformer les sociétés.
Selon elle, les initiatives de recherche de la vérité permettent non seulement aux victimes de raconter leurs expériences, mais elles ouvrent également de nouveaux espaces au sein desquels les victimes et les auteurs peuvent rétablir un lien, facilitant ainsi la reconnaissance de multiples récits sur ce qui s’est passé et la formulation de recommandations de réparation et de réforme.
L’exemple des commissions de vérité dans les Amériques
Au cours des 30 dernières années, les commissions de vérité dans les Amériques et ailleurs ont fait progresser la justice transitionnelle, a-t-elle déclaré, en soulignant le rapport historique « Memoria del Silencio » (1999) de la commission de vérité du Guatemala, qui a offert un dossier faisant autorité sur les violations des droits pendant 36 ans de conflit, en donnant la parole aux victimes et en analysant la dynamique qui sous-tend les combats.
En République démocratique du Congo, les consultations soutenues par les Nations Unies dans la région du Kasaï ont permis aux victimes d’exprimer leurs points de vue sur la vérité, la réconciliation et les réparations.
« Il est particulièrement crucial pour les forces militaires et de police, et plus largement, pour toutes les institutions gouvernementales, de regagner la confiance des communautés traumatisées et maltraitées », a-t-elle souligné.
Sans humilité et modestie, les risques d’échec sont réels – Michelle Bachelet
La Haut-Commissaire a décrit le travail en cours en Colombie sur les garanties de non-récurrence par le système global pour la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition, citant la loi historique sur les victimes de 2011, qui appelle à une série de mécanismes pour prévenir et résoudre le conflit social, ainsi qu’à l’autonomisation juridique des victimes, à la restitution des terres distribuées et à des mesures pour démanteler les structures économiques et politiques qui ont bénéficié et apporté un soutien aux groupes armés.
Citant la résolution du Conseil sur le « maintien de la paix », elle a déclaré que la création de la confiance entre les anciens ennemis sera toujours un défi.
La justice transitionnelle ne peut pas être importée ou imposée de l’extérieur, a-t-elle fait valoir. Au contraire, les permutations de la justice transitionnelle, dirigées et appropriées localement, ont les meilleures chances de succès.
« Sans humilité et modestie, les risques d’échec sont réels », a-t-elle assuré.
La justice transitionnelle ne devrait pas être considérée comme une alternative à la responsabilité pénale des auteurs de crimes d’atrocité. Toutefois, la responsabilité pénale devrait s’accompagner de mesures visant à soutenir la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-répétition, a-t-elle conclu.
A noter que cette session a permis de réfléchir davantage au rôle du Conseil de sécurité et à la manière dont les missions des Nations Unies, les organisations régionales et les partenaires peuvent soutenir efficacement les processus de justice transitionnelle nationaux et faire progresser la paix et la sécurité durables.
La rencontre a été présidée par Philippe Goffin, ministre belge des Affaires étrangères et de la defense.