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Fonds de l’armée détournés : Les preuves qui incriminent le régime

Publié le mardi 31 mars 2020  |  nigerdiaspora.com
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© Autre presse par DR
Poursuite de la série de visites du ministre de la Défense Nationale : Pr Issoufou Katambé aux services de l’Etat-major des Armées et au Tribunal Militaire
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Malgré l’angoisse morbide dans laquelle le coronavirus semble avoir plongé les Nigériens, ils ne veulent, pour rien au monde, oublier le dossier des fonds de l’armée détournés. Ils continuent de marteler leur exigence de voir une suite judiciaire à l’audit réalisé par le ministre de la Défense, Issoufou Katambé et dont le rapport a été remis au président de la République, chef suprême des armées. Les supputations vont bon train quant aux raisons éventuelles pour lesquelles le Président Issoufou ne montre aucun enthousiasme à ce sujet. Au contraire, le communiqué du gouvernement, rendu public le 26 février 2020 suivi, une semaine plus tard, d’une déclaration du Comité exécutif national (Cen) du Pnds Tarayya, ont tout l’air d’être la réponse du chef de l’État à ses compatriotes.

Un rapport confidentiel détaillé est adressé, chaque semestre, au président de la République et au Premier ministre

L’examen des modalités particulières de passation de marchés pour les besoins de défense et de sécurité, communément appelé code militaire, dont Le Courrier a reçu copie, indiquent que l’audit réalisé par le ministre Katambé n’apporte rien de nouveau au président de la République et à son Premier ministre qui sont parfaitement tenus au courant de tout. L’un et l’autre reçoivent régulièrement, chaque semestre, un rapport détaillé confidentiel sur les marchés passés, les fournisseurs, les matériels commandés, les montants mis en cause, etc. L’article 71 du décret 2013-570 du 20 décembre 2013 indique que, « sans préjudice des contrôles qui peuvent être effectués par l’inspection générale d’État, les marchés objets du présent décret, donnent lieu à un contrôle à posteriori semestriel de la part de l’inspecteur général des armées ou son équivalent pour les autres corps. Ce contrôle est assorti d’un rapport confidentiel qui est adressé au président de la République et au Premier ministre ».

La loi pénale nigérienne prévoit la peine de mort lorsque les sommes dissipées ou soustraites sont égales ou supérieures à 500 000 000 FCFA

Ce décret n’informe pas simplement sur l’information que les deux premiers responsables de l’État ont régulièrement reçue, de droit, sur les marchés du ministère de la Défense. Il souligne les infractions ou manquements qui sont formellement interdits. Il épingle, entre autres, en son article 72, les actes de corruption, les fausses mises en concurrence les mises en concurrence fictives, les fausses factures et fausses attestations de services faits ainsi que les ordres de paiement, après délivrance d’attestation de service fait qui ne correspond pas aux biens ou services effectivement fournis ou alors que les travaux ne sont pas terminés ou l’ont été de manière non satisfaisante. C’est, bien entendu, sans préjudice des poursuites et sanctions pénales. La loi pénale nigérienne prévoit la peine de mort lorsque les sommes dissipées ou soustraites sont égales ou supérieures à 500 000 000 FCFA, ou si les biens dissipés ou soustraits sont d’une valeur équivalente. Dans le cas de l’audit des fonds de l’armée, on parle de centaines de milliards dissipés et/ou soustraits.

Les fournisseurs du ministère de la Défense se sont-ils toujours pliés aux obligations légales fixées par le décret ?

La loi fait obligation, dans le cadre des dispositions particulières relatives à la passation de marchés pour les besoins de défense et de sécurité, au titulaire d’un marché de fournir une garantie de bonne exécution. Cette garantie est un montant est certes négociable, mais ne saurait excéder 5% du prix de base du marché augmenté ou diminué, le cas échéant, de ses avenants. Les fournisseurs du ministère de la Défense se sont-ils toujours pliés à cette obligation légale ? Avec les faveurs dont ils jouissent, ce n’est pas évident. Outre que les garanties d’offres sont facultatives, le montant de la caution est libéré dans un délai d’un mois suivant l’expiration du délai de garantie. Les services et institutions de contrôle à posteriori ont manifestement fait preuve de légèreté, les armes et les munitions fournies à l’armée nigérienne étant jugées dans certains défectueuses.

Qu’en est-il des règles d’éthique et des infractions et sanctions ?

Comment cette tragédie financière et humaine en fin de compte, a-t-elle pu se produire et se répéter sur des mois, des années malgré les dispositifs institutionnels de contrôle mis en place ? Dans le cadre de la loi sur la passation des marchés liés aux besoins de défense et de sécurité, tout marché est soumis à la vérification d’une commission spéciale de négociation. Et avant le démarrage de leurs travaux, les membres signent individuellement, des attestations par lesquelles ils attestent avoir pris connaissance des règles d’éthique ainsi que des infractions et sanctions prévues par le décret 2013-570 du 20 décembre 2013. Or, les révélations du ministre Katambé sur le contenu du rapport d’audit indiquent des cas de fausses factures, de fausses mises en concurrence, d’entreprises fictives, etc. Toutes choses qui sont formellement défendues (voir contenu intégral de l’article 172 en encadré).

Ceux qui ont bénéficié de ces marchés du ministère de la Défense, particulièrement pour la fourniture d’armements et de munitions, répondent-ils à ces critères ?

Si le rapport d’audit n’a pas encore révélé tous ses secrets parce qu’il n’a pas été rendu public à ce jour, la loi, elle, est connue puisque accessible à tous. Et lorsqu’on confronte certaines dispositions du décret 2013-570 du 20 décembre 2013 aux profils des fournisseurs dont la rumeur publique parle, l’on ne peut que s’interroger sur les motivations qui ont pu conduire des hommes chargés d’une mission d’État à faire fi de la loi et agir comme bon leur semble. Le décret précise à ce propos que les marchés par entente directe sans mise en concurrence de candidats lorsque les marchés de travaux, fournitures ou services destinés à répondre à des besoins qui ne peuvent être satisfaits que par un prestataire ou groupe de prestataires détenant un brevet d’invention, une licence, des droits exclusifs ou une qualification unique. Ceux qui ont bénéficié de ces marchés du ministère de la Défense, particulièrement pour la fourniture d’armements et de munitions, répondent-ils à ces critères ?

La liste des matériels et équipements militaires de la Garde présidentielle n’est pas du ressort des ministres de la Défense et/ ou de la sécurité publique

Avant toute validation d’un marché quelconque, l’administrateur des crédits, le titulaire du marché, le chef d’État-major du corps concerné par la commande, la personne responsable du marché, apposent leurs signatures sur ledit marché. Mais, si la liste et la nomenclature des besoins sont établies par les ministères en charge de la défense et de la sécurité nationale et approuvées par le Premier, en ce qui concerne les matériels et équipements militaires de la Garde présidentielle, il en va autrement. Le décret indique que ce ne sont plus les deux ministres précités qui établissent les listes de besoins, mais plutôt les services compétents de la présidence de la République. Des mentions qui expliquent peut-être la réticence du régime à laisser la justice jouer sa partition.

Intégralité de l’article 72 du décret 2013-570 du 20 décembre 2013
Les actes de corruption, les manoeuvres coercitives, collusoires, frauduleuses et obstructives à l’occasion de la préparation, de la passation, du contrôle, de la régulation et de l’exécution des marchés et des délégations de service public passés dans le cadre de la défense et de la sécurité, les usurpations de fonction dans le cadre de la passation desdits marchés, les fausses mises en concurrence les mises en concurrence fictives, les fausses factures et fausses attestations de services faits, les ordres de paiement, après délivrance d’attestation de service fait qui ne correspond pas aux biens ou services effectivement fournis ou alors que les travaux ne sont pas terminés ou l’ont été de manière non satisfaisante.
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