Fatouma a le regard fixé sur le viseur de son appareil, les doigts bien posés sur l’objectif ; avec un‘’ clic’’, elle immortalise l’instant et l’image est là. Ces gestes simples faits avec professionnalisme agrémentent le quotidien de Fatouma. Des images qui parlent ; qui valent mille mots… Elle s’appelle Fatouma Harber ; elle a 41 ans ; elle est mariée et mère d’une enfant. Bien qu’ayant vu le jour à Tombouctou, elle a grandi au Niger où ses parents ont vécu pendant plus de quatre (4) décennies.
Fatouma Harber a eu son Bac A4 au Niger avant d’aller faire des études en psychologie à la faculté des sciences des lettres, langues, art et sciences humaines de Bamako où elle a obtenu une maitrise en psychologie. En même temps que les études à la fac, elle a suivi une formation en photographie et journalisme écrit dans l’organisation Togunet où elle fut ensuite web reporter en 2001. C’est lors de son stage à Togunet que sa passion pour la photographie et le web s’est révélée. Enfant, elle aimait beaucoup dessiner. « La frontière est mince entre les deux. J’ai toujours aimé les photos de la nature. J’ai acheté mon premier appareil photo numérique professionnel en 2014. Le coucher du soleil sur le fleuve Niger est le spectacle que j’aime le plus prendre en photo. Ensuite, je fais beaucoup de photos du patrimoine culturel de Tombouctou, les mosquées, les monuments, mais aussi des portraits de femmes, des représentations de notre culture », raconte t- elle. Notre interlocutrice pense que la photographie est un art qui peut permettre d’exprimer un talent, une intelligence, un sentiment, une histoire…
« Je n’ai pas fait de la photographie, du blogging ou du web activisme seul mon métier, car j’ai toujours exercé ces métiers concomitamment avec mon travail d’enseignante ; présentement, je suis dans un processus de demande de congé de formation pour poursuivre des recherches en psychologie alliée à la communication. Je fais usage d’une grande organisation pour coordonner tout ce que je fais avec ma vie de famille. Je fais de mon mieux pour que ma vie privée reste vraiment privée », explique-t-elle avec sérénité.
Des activités connexes pour joindre les deux bouts
Après ses études en psychologie, elle a décidé de rentrer dans sa région natale pour apporter sa pierre à l’édifice d’une région qui ressemble carrément à des ruines après 60 ans d’indépendance. Fatouma a été stagiaire puis agent d’un bureau d’étude durant deux ans, travaillant dans le domaine des projets de développement communautaire. Elle était chargée d’élaborer les projets pour les associations féminines. Un contact presque permanent avec ces femmes qui se battent tous les jours pour sortir des difficultés en recherchant des financements pour un puits, un périmètre maraicher, un centre multifonctionnel…
Les deux ans passés à Beyrey Sarl lui ont permis d’affermir son militantisme en faveur des droits humains, particulièrement les droits des femmes, mais aussi continuer à travailler son style d’écriture et de photographie. C’est en 2007 qu’elle a été engagée par l’académie d’enseignement de Tombouctou comme professeur de psychopédagogie. Elle y enseigne jusqu’à présent le français et une matière appelée LMP (Législation scolaire et Morale Professionnelle). En 2009, l’USAID a doté l’établissement dans lequel elle enseigne de matériels informatiques, d’une connexion internet et d’un centre de formation virtuel dans lequel elle était volontaire comme professeur d’informatique. Cette connexion internet lui a permis d’accroitre sa présence en ligne. Ainsi, elle est devenue bloggeuse et ne se rappelle pas trop du nom de son premier blog… quelque chose avec tambour elle croit bien (rire). En 2012, avec l’occupation des régions du nord du Mali par les groupes terroristes, elle rejoint la plateforme des blogueurs de l’atelier des médias de Rfi (Mondoblog). Elle a gagné plusieurs concours en blogging qui lui ont permis non seulement de se former, mais l’ont aidée aussi à nouer des relations intéressantes dans le domaine des médias et de la photographie.
Présentement, Mme Fatouma est la directrice exécutive de SankoréLabs, une Tech Hub sociale qu’elle a co-créé en 2016 à Tombouctou. Ce sont des projets innovants qui ont trait aux nouvelles technologies, à l’éducation, à la citoyenneté active, aux médias sociaux et à la communication digitale. Egalement, elle est la secrétaire générale de Doniblog, la communauté des blogueurs du Mali, une Association de Blogueurs Maliens qui pilote une plateforme de blogging appelée Benbere. Elle est présentement la coordinatrice de Benbere à Tombouctou, un site bien suivi avec des reportages sociaux qui traitent bien de nos réalités socio culturelles. Elle dit avoir beaucoup de projets, elle doit le dire, celui qui lui tient le plus à cœur est de réaliser un documentaire sur « Tunbutu w » pas elle, car c’est son pseudo sur Facebook, mais sur la femme de Tombouctou en général.
« Au Mali, il y a beaucoup de préjugés sur la Tombouctienne qui serait une femme paresseuse qui est toujours à l’étage à manger et boire du thé. En plus, les femmes ont été les premières victimes de l’occupation du nord du Mali en 2012. Il y a eu beaucoup de productions sur cette période, notamment le film « Timbuktu » de Sikasso ( un mauritanien) qui a eu un franc succès auprès du public occidental alors que c’est une personne « extérieure » au conflit qui a transformé la réalité pour des raisons que je ne peux connaitre », répond clairement Fatouma.
Elle conseille à ses sœurs qui font ce métier ou qui ont des passions singulières de ne pas se laisser faire : « ton talent est toujours en toi et personne ne peut te l’enlever», conclut –elle.