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Niger : l’énigmatique audit du Ministère de la Défense nationale (Par Abdoulahi ATTAYOUB)

Publié le vendredi 29 mai 2020  |  actuniger.com
Abdoulahi
© Autre presse par DR
Abdoulahi ATTAYOUB
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Au terme de son second mandat, le président Mahamadou Issoufou fait face à un scandale financier qui risquerait de ruiner définitivement ses espoirs de laisser un bilan honorable de son passage à la tête du pays.

L’audit du Ministère de la Défense révèle une machination criminelle qui dépasse l’entendement compte tenu du contexte sécuritaire national et de la précarité dans laquelle vit l’écrasante majorité des Nigériens. Certains éléments de cet audit, repris par les médias et largement partagés sur les réseaux sociaux font ressortir le détournement de plusieurs dizaines de milliards de francs CFA. Ce scandale est d’autant plus insupportable qu’il survient dans un pays aux prises avec l’insécurité et dont nombre de fils tombent régulièrement sur les différents fronts de guerre faute d’équipements et de moyens suffisants pour assurer leur mission de défense du territoire national.

Ainsi, les défaites subies par les forces armées nigériennes à Inatès et Chinagodrar en 2020 auraient amené le Président Issoufou Mahamadou à demander l’audit du ministère de la Défense afin de comprendre les insuffisances en matériel et autres équipements qui pourraient expliquer l’ampleur de ces échecs. C’est un acte louable de la part du président de la République et de son ministre actuel de la défense nationale Issoufou Katambé, en dépit du fait qu’ils ne pouvaient ignorer totalement l’existence de ces disfonctionnements dans un ministère qui absorbe près du quart du budget national.

Par ailleurs, le train de vie de personnes proches du pouvoir et les signes extérieurs d’enrichissement douteux ne manquent pas pour qui cherche réellement à veiller sur le bien public et les maigres ressources du pays.

L’ampleur des détournements au ministère de la Défense interroge sur la situation dans les autres ministères et dans l’ensemble des institutions de l’Etat. Les pratiques mises en lumière par cet audit ne sont hélas pas limitées à ce ministère et ont pris des proportions inédites ces dernières années.

Cette affaire et les pratiques qui en sont à l’origine constituent la véritable menace sur la sécurité et la stabilité du pays.

Le silence inquiétant du Président de la République s’ajoute à la maladresse du gouvernement se contentant de demander aux fautifs de rembourser les fonds détournés en les exonérant de toute procédure judiciaire. Cette demande de remboursement a été perçue comme un aveu de culpabilité et une volonté manifeste de protéger des « amis » dont la mise en cause publique risquerait de « métastaser » sur l’ensemble de l’appareil d’Etat. Au-delà de ses aspects juridiques, cette décision du gouvernement, constitue une faute morale et politique qui en dit long sur le rapport à la chose publique.

Pour lever toute équivoque et circonscrire ces comportements qui abiment considérablement l’image de l’Etat et de ses instituions, le Président de la République se doit de prendre les mesures qui s’imposent, en prenant les sanctions qui relèvent de son autorité et en laissant la justice se saisir de cette affaire et faire ainsi la preuve de son indépendance.

A l’instar d’autres pays de la région, il serait salutaire de procéder à un audit général et approfondi des services de l’Etat et de la gouvernance de manière générale lors des deux derniers mandats écoulés. Le Président Mahamadou Issoufou pourrait ainsi redonner aux institutions de l’Etat leur crédibilité et les laverait du soupçon de n’être que des officines d’enrichissement pour une poignées de camarades qui organisent leur impunité, après avoir saigné le pays au détriment de la sécurité des populations.

Les partenaires internationaux du Niger ne comprendraient pas qu’ils soient régulièrement sollicités alors que les autorités se taisent sur la dilapidation frauduleuse de plusieurs dizaines, voire centaines, de milliards de francs CFA.

Le silence des autorités nigériennes pourrait laisser penser qu’elles espèrent faire passer l'orage en muselant la société civile et en fixant l'attention sur la gestion de la pandémie actuelle de la COVID-19. Ce silence trahit un certain désarroi des autorités face à une situation qui menace d’échapper à tout contrôle. Il convient de rappeler que cette scandaleuse affaire n’est pas la première, elle a été précédée par nombre d’autres similaires qui demeurent à ce jour impunies, le Pouvoir nigérien étant resté sourd aux appels demandant la lumière sur ces malversations.

La France et la communauté internationale devraient se sentir interpellées et contribuer à élucider cette affaire car elles portent une responsabilité morale vis-à-vis du peuple nigérien. La crédibilité de leur action au Niger requiert une attention et une vigilance responsables sur les questions de gouvernance et de gestion des fonds destinés à la sécurité et la survie des populations.

Les impératifs de souveraineté de l’Etat ne sauraient raisonnablement justifier le silence de la communauté internationale sur l'utilisation frauduleuse de fonds publics alloués, à fin d’enrichissement personnel d’une poignée d’individus, au détriment de la population et des intérêts du pays.
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