La France a acté la fin, en Afrique de l’Ouest, du franc CFA, monnaie coloniale qui circule dans les huit (8) pays de la zone Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine) et les six (6) Etats de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac). La décision a été prise à l’issue du Conseil des ministres du mercredi 20 mai 2020 à Paris, par le président français, Emmanuel Macron, après en avoir fait la promesse, en décembre dernier, depuis Abidjan, aux Etats membres de l’Uemoa.
Ainsi, 75 ans après sa création le 26 décembre 1945, le Franc CFA tend vers sa disparition et annonce une nouvelle ère dans les relations franco-africaines. Ces relations vont bientôt être marquée par la naissance officielle de l’Eco.
L’Eco est la nouvelle monnaie qui va remplacer et effacer progressivement le franc Cfa avant la fin de cette année 2020. Prévue initialement pour se mettre en place avec les 8 pays de la zone Uemoa, cette nouvelle monnaie est destinée à l’ensemble des 15 pays de la Communauté économique pour le développement des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Un vaste marché de plus de 350 millions d’habitants
Au delà de l’affranchissement du poids colonial du franc Cfa, l’Eco s’annonce avec de grands enjeux. Les dirigeants de l’Afrique de l’Ouest ont pensé cette monnaie, en effet, pour renforcer l’intégration des Etats et booster l’économie régionale pour rehausser le niveau du développement. Après moult tractations et hésitations, la nouvelle monnaie en gestation est l’instrument attendu pour briser définitivement les barrières frontalières, douanières, et parfois artificielles à l’intérieur des 15 Etats qui se partagent le flanc du Golf de Guinée. Elle devrait réduire les freins aux actions communes vers ce développement souventes fois envisagées et qui tardent à se concrétiser.
L’avènement de cette monnaie se dessine avec beaucoup de promesses. L’Eco arrive comme le catalyseur indispensable à la construction du vaste marché régional susceptible de propulser les économies à l’intérieur des Etats. La Cedeao, faut-il le souligner, c’est plus de 350 millions d’habitants, représentant une part non moins négligeable de près de 30% de la démographie continentale. Mieux, l’élargissement de la zone monétaire de l’Uemoa aux Etats comme le Ghana, le Nigeria, la Guinée et les autres, ouvre la porte à d’énormes potentialités que pourront capitaliser les Etats de la Cedeao pour rehausser le niveau de développement de leurs populations.
L’Eco sera indéniablement un boulevard qui va bousculer les habitudes tenaces et booster les échanges entre les Etats partis ou voisins comme la Mauritanie (ancien membre de la Cedeao) qu’il ne serait pas surprenant de voir rejoindre la Communauté. Partie de cette entité régionale pour se consacrer à la création de l’Union du Maghreb Arabe avortée, la Mauritanie a déjà adhéré à la Zone de libre échange ouest-africaine. Un accord qui le rattache à nouveau à la Cedeao en attendant son éventuel retour ce pays.
Le début de la fin de l’exploitation impérialiste
La monnaie de la Cedeao, à n’en point douter, accéléra tous les mécanismes d’intégration adoptés qui sommeillent encore dans des tiroirs. Beaucoup de réflexions menées à diverses rencontres sur le processus d’intégration ont accouché de bonnes intentions juste gravées sur du papier. A l’image de l’Union Européenne, ou des Etats-Unis d’Amérique, le continent africain souffre encore de ses mosaïques d’Etats aux frontières artificielles et de l’égocentrisme de leurs dirigeants dont certains continuent d’hésiter à s’affranchir des quelques privilèges locaux.
L’Union de ces Etats, longtemps pensée par des prédécesseurs, est vue comme le levier idéal pour aller au développement. Cette synergie recherchée ne pourra aboutir que dans une vision convergente et une politique commune de développement visant à capitaliser les moyens selon les potentialités intérieures aux Etats. Il s’agira de cette planification qui aiderait à relever des défis énormes auxquels ne peut faire face, seul, chaque Etat refermé sur ses frontières.
Les pays africains, économiquement faibles et vulnérables, sont demeurés voués aux appétits des impérialistes gloutons qui continuent de déferler sur ce continent érigé en une plantation pour se servir. L’ère de la monnaie commune de la Cedeao sonne le début de la fin, dans la sous-région, de cette exploitation servile décriée à maintes reprises par des intellectuels souverainistes. Ensemble, les Etats de ladite communauté se donneront du poids face au reste du monde pour faire valoir leurs intérêts.
Vers l’accomplissement du rêve des pères du panafricanisme
L’Eco conduira inexorablement à une vision commune, à une harmonisation des actions de développement, à une mutualisation des capacités pour défendre ces intérêts convergents. La naissance de cette monnaie devrait induire une politique d’industrialisation intégrée basée sur les potentialités locales aux Etats. Des initiatives qui pourraient s’étendre comme l’ont soutenu les pères du panafricanisme à la formation des ressources humaines à travers des spécialisations selon les capacités et les disparités dans la sous-région.
Bien évidemment, la synergie du développement ne saurait ignorer une politique commune de défense et de sécurité pour couronner les acquis et veiller à la protection des biens et des populations. Ainsi, des conflits asymétriques comme la lutte contre le terrorisme ne se mènerait plus isolement avec des Etats abandonnés à leur triste sort. Ces conflits impliqueraient tout l’ensemble dans la mutualisation des moyens contre un adversaire commun incapable de se prospérer dans un territoire lui servant de base-arrière à l’intérieur de la frontière commune.
Cet exemple d’intégration en construction, s’il est réussi en Afrique de l’Ouest avec les effets de la monnaie commune, ne tardera pas à faire tâche d’huile. Notamment dans la zone Cemac dont les Etats, en observation, n’hésiteront pas à franchir le cap. Pourquoi pas pour la création d’une vaste communauté monétaire en Afrique subsaharienne, qui pourrait affecter le reste du continent et précipiter la naissance retardée des Etats Unis d’Afrique. Cette grande et unique entité rêvée par des précurseurs que sont, entre autres, feux Kwamé N’krumah, Patrice Emery Lumumba, Jomo Kenyatta, etc.