NIAMEY (Niger) - En tournée en Afrique de l’Ouest, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a nié lundi l’intention de Téhéran de se doter de la bombe atomique, tout en dénonçant l’attitude "colonialiste" des pays riches qui exploitent les plus pauvres.
M. Ahmadinejad, en visite lundi au Bénin, a qualifié l’énergie nucléaire de "don divin" fournissant de l’électricité à un prix abordable.
"Ils accusent l’Iran comme toutes les nations qui cherchent à sortir rapidement de la domination actuelle", a déclaré le président iranien, lors d’un discours prononcé à l’université du Bénin.
"Nous n’avons pas besoin de bombe atomique", a-t-il ajouté, "d’ailleurs ce n’est pas la bombe atomique qui menace le monde, mais la morale et la culture occidentale en perte de valeurs".
Après Cotonou, M. Ahmadinejad est arrivé en milieu d’après-midi à Niamey, au Niger, l’un des premiers producteurs mondiaux d’uranium.
Mahmoud Ahmadinejad s’est entretenu en tête-à-tête avec son homologue nigérien Mahamadou Issoufou qui l’a accueilli à sa descente d’avion.
Au Niger, le président iranien est reçu à bras ouverts par ceux qui considèrent que ce pays pauvre doit s’ouvrir à de nouveaux partenariats pour la vente de son uranium.
"Nous devons faire désormais la politique de nos intérêts, en vendant notre uranium à qui nous voulons, y compris à l’Iran", estime Nouhou Arzika, un des acteurs majeurs de la société civile nigérienne.
Le ministre nigérien des Affaires étrangères s’est déjà rendu à Téhéran en février. Le pays ouest-africain est le quatrième producteur mondial d’uranium.
"Nous sommes un Etat souverain, on doit traiter avec qui nous voulons", renchérit Mahamadou Djibo Samaila, à la tête du syndicat des étudiants de l’université du Niger, qui a déjà organisé une manifestation contre le géant français du nucléaire Areva.
"Notre uranium, notre pétrole, nous allons les vendre à qui nous voulons", a insisté M. Samaila.
L’Iran a besoin d’uranium pour son programme nucléaire, et le Niger a critiqué récemment un partenariat historique "très déséquilibré" avec la France, ancienne puissance coloniale, dont le groupe Areva exploite l’uranium depuis plus de 40 ans dans le nord du pays.
"Tout ce que la légalité internationale ne nous permet pas, on ne le fera pas", a déclaré à l’AFP, un officiel nigérien.
"Nous ne sommes pas autorisés à vendre l’uranium à un pays comme l’Iran, ce n’est pas comme le pétrole ou le fer avec lesquels le commerce est beaucoup plus libre", a-t-il poursuivi, sous couvert d’anonymat.
L’uranium nigérien est acheminé via les ports béninois pour exportation, mais le ministre béninois des Affaires étrangères a insisté sur le fait qu’il n’a pas été question d’uranium lors de la visite de M. Ahmadinejad.
Selon les autorités béninoises, les discussions entre l’Iran et le Bénin ont porté essentiellement sur l’agriculture, l’éducation et l’énergie.
Les puissances occidentales et Israël soupçonnent Téhéran de dissimuler un programme militaire visant à la fabrication de la bombe atomique sous couvert d’activités nucléaires civiles.
Téhéran dément, affirmant développer son programme nucléaire seulement à des fins énergétiques et médicales.
Il y a quelques jours, les Etats-Unis se sont dits "très inquiets" de l’inauguration de deux mines et d’un complexe de production d’uranium en Iran alors que les discussions sur le programme nucléaire de Téhéran sont dans l’impasse.
S’adressant aux journalistes à l’aéroport de Cotonou avant son départ, M. Ahmadinejad a déclaré que les deux mines d’uranium inaugurées la semaine dernière en Iran "suffiraient largement pour les ambitions" de son pays.
Au cours de son discours à l’université du Bénin, M. Ahmadinejad a condamné "la pensée colonialiste" des pays développés qui exploitent les pays les plus pauvres, selon lui.
"La pensée colonialiste n’est pas encore éliminée, seule la méthode a changé mais le système est toujours là", a-t-il déclaré.
"Pour sauver leur économie, ils imposent la guerre partout pour couvrir leurs échecs et l’échec du système capitaliste", a-t-il ajouté.
Si le président Ahmadinejad, qui préside actuellement le Mouvement des non-alignés, a souvent mis l’Afrique en tête de ses priorités diplomatiques, les relations entre l’Iran et les pays africains ne sont pas toujours aussi idylliques.
Une dispute diplomatique a refroidi, en 2010, les relations entre l’Iran et le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique et premier producteur de pétrole du continent, après la saisie dans le port de Lagos d’un bateau venant d’Iran et transportant des armes à destination de la Gambie.
M. Ahmadinejad achèvera sa tournée ouest-africaine par une visite au Ghana,
mardi.