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Audit du ministère de la Défense nationale : La donne commence à changer

Publié le lundi 8 juin 2020  |  nigerdiaspora.net
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© Autre presse par DR
Rencontre entre les responsables de la Commission Nationale des Droits Humains et ceux du Ministère de la Défense Nationale : Le respect des droits humains sur les théâtres des opérations au centre des échanges
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Vraisemblablement, la donne commence à changer. Le curseur, comme dirait l'autre, commence à bouger et des têtes présentées et proposées au départ à la vindicte populaire, il est en train de migrer vers des têtes insoupçonnées, celles qui, au nom de quelque pouvoir et de la station qu'ils occupent au sein de l'administration publique, tentent de faire porter le chapeau de leurs forfaitures à d'autres. Aujourd'hui, l'on peut sans risque, estimer que les vrais auteurs risquent gros d'autant, selon des informations dignes de foi, les couloirs de la Présidence bruissent d'échos qui ne sont pas pour leur plaire pour la suite de l'affaire.

Les fournisseurs sont-ils les artisans des malversations financières ?

Malgré la révélation du rapport d'audit au grand public qui en découvre l'étendue des dégâts, les véritables mis en cause semblent curieusement sans crainte pour leur liberté. Et pour cause, si le ministre Katambé a plutôt chargé grands commis de l'Etat et officiers supérieurs de l'armée impliqués dans ce scandale, l'opinion publique, elle, a dirigé ses attaques contre les entreprises qui ont bénéficié des marchés incriminés. La raison essentielle est que le rapport est quelque peu biaisé puisqu'il s'est gardé de faire la moindre référence à l'identité de ces grands manitous qui ont tout manigancé. Ni le nom d'un seul ministre, ni celui d'un secrétaire général, d'un directeur des marchés publics ou encore de ressources financières. Pas même la moindre mention des aberrations du décret 2013-570 du 20 décembre 2013 ; une loi qui semble taillée sur mesure pour favoriser et faciliter la mise sous coupe réglée des ressources budgétaires dédiées à la défense. Si le rapport souligne que " ce décret est facteur de risques et de situations de défaillances ", il n'en dit pas plus. Au nom, donc, de l'urgence sécuritaire, des procédures tronquées ont été adoptées et exécutées au fil des ans, sans que, une seule fois, les autorités supérieures (le président de la République et le Premier ministre) qui reçoivent régulièrement (chaque semestre) des rapports circonstanciés sur les contrats passés, sentent la nécessité de les faire réviser. C'est cette omission (?) des enquêteurs qui explique ce déchaînement de l'opinion nationale sur les entrepreneurs. Or, les pratiques de corruption sont conçues et échafaudées par les bureaucrates. Pour preuve, le fameux décret précise en son article 5 (alinéa 2) que " la liste et la nomenclature des besoins sont établies par les ministères en charge de la Défense et de la Sécurité nationales et approuvées par le Premier ministre ", mais que " s'agissant des matériels et des équipements pour le besoin de la sécurité de la présidence, la liste est établie par ses services compétents ". N'est-ce pas une ouverture à des dérives dans l'usage des fonds publics ?

Quid de l'article 12 qui souligne que " les marchés publics objet du présent décret ne peuvent être passés qu'avec des entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services qui acceptent de se soumettre à un contrôle des prix spécifiques durant l'exécution des prestations. Le marché précise les obligations auxquelles le titulaire du marché sera soumis et notamment l'obligation de présenter tous documents de nature à permettre de vérifier la sincérité des prix ". Alors, qui est fautif s'il y ades surfacturations ?

Mieux que tout ça, sur les modalités de paiement, l'article 69 souligne que " les paiements à faire au sous-traitant sont effectués sur la base des pièces justificatives revêtues de l'acceptation du titulaire du marché. Or, il se trouve que des virements bancaires pour avance ou paiement intégral ont été faits à des entreprises ne détenant aucune attestation de la société qu'elles prétendent représenter au Niger.

À la base de la corruption et des surfacturations au sein de l'administration publique, des fonctionnaires véreux qui suggèrent les formules frauduleuses et montent les arnaques contre rétribution La surfacturation, dans les cas où cela a été relevé par les enquêteurs, est certes un délit. Mais, est-ce d'abord un fait délibéré et imputable aux commerçants ou aux acteurs que l'on répugne curieusement à enquiquiner ? il faut sans doute creuser, analyser et recouper pour situer les responsabilités afin d'éviter des erreurs de justice. Car, déshabiller Pierre pour habiller Paul comme on semble vouloir le faire est à la fois intolérable et inacceptable. Sur la base de ce qu'ils savent des agents de l'Etat corrompus, nombre de Nigériens soutiennent sur les réseaux sociaux que les véritables responsables de la corruption et de la surfacturation sont tapis au sein de l'administration publique. Barbichettes ou non, sous les boubous amidonnés ou les costumes trois pièces de haut standing, ils donnent l'air d'être de vénérables personnages dignes de respect. Or, lorsqu'on gratte un tout petit peu, c'est la pourriture en dessous. Pour se taper une villa hors de leur portée, courtiser la femme de leur rêve ou se payer des voitures qui valent 12 fois leurs salaires annuels, ils sont prêts à tout. Ce sont eux qui concoctent les faux dossiers, qui aiguillonnent les commerçants sur les voies à suivre pour éviter, soit pour payer certains impôts, soit pour faire le maximum de profits, moyennant bien sûr rétribution. Ce sont eux également qui suggèrent la révision des montants des contrats et des marchés pour y faire inclure leurs parts. Généralement, les commerçants sont à leur merci et n'ont d'autre choix que de suivre à la lettre ce qu'ils leur dictent. C'est l'unique moyen de décrocher un marché et/ou de garantir de rester dans la liste des fournisseurs à consulter.

Les commerçants, victimes d'un système de corruption qui a pignon sur rue dans l'administration publique

Le comble pour ces commerçants qu'on semble vouer aux gémonies, c'est que, dans la plupart des cas, ils se retrouvent sur les carreaux dans certaines affaires parce que toute leur marge bénéficiaire est partie dans les poches et les comptes bancaires d'agents corrompus. Et c'est pratiquement pour ne pas couler, tout en contentant les vautours et les ogres qui les qui les épient, les escortent et les talonnent tout au long de l'exécution des marchés et contrats. N'a-t-on pas vu dans ce pays des ministres qui, sans vergogne, ont l'habitude de dire crânement à des commerçants de surfacturer au double et de leur rétrocéder le supplément après ? N'a-t-on pas vu des ministres qui, au mépris de toute dignité et de la fonction qu'ils exercent, poussent le rubicond jusqu'à interpeller personnellement des commerçants et prestataires, y compris de petits portefeuilles pour prendre ce qu'ils appellent leurs parts ?

Ces façons de faire ont été pensées et imposées aux commerçants qui, par la force des choses, ont dû, pour survivre et continuer à faire des affaires, ont appris à faire avec. La Société nigérienne est en réalité malade, très malade et Le Courrier a l'habitude de rappeler que seule une catharsis de taille est en mesure de soigner les plaies, d'arrêter la propagation du mal, c'est-à-dire l'effondrement moral de la société qui est en train de ruiner le Niger.

Le mal, ce n'est pas tant les commerçants que ceux qui tiennent les rênes l'administration publique

Dans le cas particulier de l'adit du ministère de la Défense nationale, les penseurs, créatifs et artisans, c'est-à-dire ceux qui ont tiré les marrons du feu sans se brûler les doigts, exigeant de prendre leurs parts sans aucune trace, se la coulent douce, loin du tintamarre d'un débat public suranné et des interpellations policières. C'est bien dommage pour le Niger. Car, on n'y prend garde, des victimes d'un système de corruption risquent de trinquer à la place de ceux qui doivent payer en premier.

N'est-ce pas dans ce pays que de grands commis de l'Etat ont comploté avec des agents étrangers dans une affaire de trading portant sur des quantités énormes d'uranium, avec en toile de fond un virement bancaire de 200 milliards de francs CFA à partir d'un compte créé pour le compte de la SOPAMIN mais manipulé par eux ? Est-ce des commerçants qui sont derrière ?

N'est-ce pas dans ce pays que des commis de l'Etat, voire des personnages qui n'ont aucun lien direct avec l'administration publique et les institutions de la République, ont détourné et vendu à leurs profits 15 000 tonnes de riz basmati, don de la République Islamique du Pakistan pour le secours des populations de Diffa éprouvées par les attaques de Boko Haram ? Là également, ce n'est pas le fait de commerçants.

N'est-ce pas dans ce pays que de grands commis de l'Etat ont compromis les intérêts de l'Etat dans un contentieux insolite avec Africard, en violant et en piétinant délibérément les lois, contraignant l'Etat à payer une somme de plus de six milliards de francs CFA que la société plaignante a gagnés " sans rien faire " ? Y a-t-il un seul commerçant impliqué dans ce scandale ?

N'est-ce pas dans ce pays que le gouvernement a contracté un prêt de 1000 milliards auprès d'Eximbank de Chine sans que les Nigériens sachent, à ce jour, où est passée cette manne financière ?

Le mal, pour ainsi dire, est ailleurs, dans les couloirs et les bureaux feutrés de l'administration publique.

Ce que dit la loi sur la présomption d'innocence…

Dans l'affaire du ministère de la Défense comme dans les autres affaires, les commerçants ne sauraient, donc, être les victimes expiatoires de quelque procédure judiciaire. D'abord, l'on est encore loin d'un procès. Et même dans la perspective d'un procès, ils ont, à leur faveur le principe de la présomption d'innocence. Dans un Etat de droit, toute personne faisant l'objet d'une enquête pénale sera présumée innocente aussi longtemps que le juge n'aura pas rendu son jugement. Ce n'est donc qu'au terme d'un procès, lors du prononcé de la condamnation, que l'intéressé sera, le cas échéant, reconnu coupable des faits pour lesquels il est poursuivi. C'est, disent les spécialistes, une des garanties démocratiques les plus essentielles accordées aux justiciables. Elle est notamment consacrée par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques que le Niger a ratifié. La présomption d'innocence est fondée, entre autres, sur les …suivants : d'une part, la charge de la preuve des faits pour lesquels un individu est poursuivi repose sur la partie qui poursuit ; d'autre part, le doute profite à l'accusé.

…et l'atteinte à la présomption d'innocence

La présomption d'innocence, disent les experts, est une limite à la liberté d'expression. Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut même, en référé, ordonner l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence. Aboubacar Gagara dit Charfo et les autres peuvent ainsi, c'est la loi qui leur en donne la possibilité, assigner en justice, avec constitution de partie civile, toute personne qui les aura présentés chargés d'une quelconque culpabilité alors qu'aucun procès ne les a encore rendus, pour le moment, coupables de quoi que ce soit. De même, la publication directe ou par voie de reproduction de toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou d'un corps auquel le fait est imputé, est une diffamation. Des cas probants existent.

La jurisprudence…

En 2004, une station de radiodiffusion, en France, s'inspirant d'une dépêche de l'Agence France Presse, avait diffusé l'information suivante : " Une avocate toulousaine sous les verrous. Maître Agnès X a été mise en examen et incarcérée à la maison d'arrêt de Versailles. Elle est soupçonnée d'avoir renseigné directement des trafiquants de drogue…C'est au cours d'une conversation téléphonique que l'avocate toulousaine aurait prodigué ses conseils. Le juge d'instruction chargé du dossier parle de complicité et c'est à ce titre que Maître X a été mise en examen et écrouée. Cette affaire est unique. Il faut remonter à six années en arrière pour se souvenir d'avocats mis en examen et écroués : ils avaient passé des armes au parloir d'une prison parisienne ". S'estimant diffamée et victime d'une atteinte à la présomption d'innocence, madame X a fait assigner devant le tribunal de grande instance la société de radiodiffusion en réparation de son préjudice. Et gagna son procès pour atteinte à la présomption d'innocence.

L'affaire ne fait que commencer, c'est-à-dire que des actuelles supputations au procès, il y a sans doute de la coupe aux lèvres. Et parfois, la montagne peut accoucher d'une souris.



Laboukoye
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