Déclaration de presse du Ministère de la Justice suite à celle du Conseil de l’Ordre des Avocats du Niger : Rétablir la vérité sur des insinuations visant à jeter l’anathème sur la Justice
Dans une déclaration de presse rendue publique, le 09 juin 2020, le Conseil de l’Ordre des Avocats du Niger a cru devoir relever suite aux rencontres qu’il a initiées avec le Ministère de la Justice et le SAMAN, ce qu’il appelle «atteintes graves aux principes de la séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la justice». Pour étayer ses dires, il se fonde sur une prétendue violation de la règle de l’inamovibilité des magistrats du siège et des convocations répétitives du Conseil Supérieur de la Magistrature dont il déduit des conséquences pour s’en offusquer, avant de suggérer sa réforme pour dit-il mieux garantir l’indépendance de la justice. Face à toutes ces allégations, le ministère de la Justice entend rétablir la vérité sur des insinuations qui visent à jeter l’anathème sur la Justice ; de quoi s’agit-il ?
Le Conseil de l’Ordre invoque les articles 116 et 118 de la Constitution pour reprocher à la chancellerie la violation du principe de la séparation des pouvoirs et la remise en cause du principe de l’inamovibilité.
S’agissant de ce premier point, la chancellerie est surprise de la légèreté avec laquelle une telle accusation est portée car tout le monde le sait, la séparation des pouvoirs est dans notre pays une réalité et la Constitution en son article 116 l’a érigé en règle en disposant que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif». Dans la pratique, ce principe ne connait aucun tempérament qui soit du fait de l’autorité politique et il n’y a aucun exemple qui accréditerait une thèse contraire sinon le conseil de l’ordre aurait été le premier à le relever et à le dénoncer. C’est du reste pourquoi, il se contente de l’affirmer sans preuve pour donner du crédit aux arguments du SAMAN.
La séparation des pouvoirs qui est présentée dans la déclaration du Conseil de l’Ordre comme non respectée, est une lecture assez singulière du principe qui ne signifie pas que l’autorité politique, de surcroit de nomination n’ait aucun regard sur le fonctionnement de la Justice et le déroulement de la carrière de ceux qui l’animent. Nier l’existence de ce lien équivaut à consacrer «une république des juges-électrons libres» qui n’a de compte à rendre à personne alors que même dans les démocraties séculaires, c’est à travers un exercice fonctionnel selon lequel les magistrats conduisent les procédures, mènent les débats et rendent leurs décisions de façon indépendante que s’apprécie cette séparation.
Concernant l’inamovibilité, là aussi, il convient de préciser que même si elle est consacrée par l’article 119 de la Constitution, dans notre système comme dans celui de beaucoup de pays partageant les mêmes traditions juridiques et judiciaires, il n’existe pas de cloisonnement entre les fonctions, les magistrats étant polyvalents, peuvent bien se retrouver selon les nécessités du service du siège au parquet et vice versa, cette appréciation étant laissée au Conseil supérieur de la Magistrature qui fort heureusement est organisé par la loi n°2011-24 du 25 octobre 2011.
Cet organe présidé par le Président de la République, que l’on veut délibérément mettre au cœur de toutes les polémiques, est, il faut le savoir composé des membres de droit et de membres élus ; parmi les dix-neuf membres qui le composent, on compte treize magistratsqui participent aux délibérations et ont leur mot à dire sur toutes les propositions de nomination portées par le Ministre de la Justice. De plus, la présence de membres non magistrats n’a jamais constitué un obstacle au bon fonctionnement de cet organe. Au surplus, peut-on dire, le conseil s’est trouvé souvent édifié par les positions courageuses de neutralité et d’impartialité défendues par ces derniers là où les magistrats avaient propension à demander des promotions ou des sanctions contre leurs pairs avec un parti pris toujours manifeste.
Les sessions du Conseil du Supérieur de la magistrature sont, il y a lieu de le rappeler, convoquées par le Président de la République dans le respect des dispositions des articles 6 à 9 de la loi qui le régit et on ne peut de façon abusive et péremptoire affirmer qu’elles sont répétitives et à dessein pour procéder à des déplacements ou encore pour sanctionner ; ce n’est pas là, son but ultime.
Et celles dont fait cas le Conseil de l’Ordre, ont été régulièrement convoquées et se justifiaient amplement à plusieurs titres qu’il n’est pas superflu de rappeler pour éclairer l’opinion publique : le départ en disponibilité du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance hors classe de Niamey ; la mise en place effective du Tribunal d’Instance de Damagaram Takaya, et le renforcement des effectifs des tribunaux. C’est dire que la dernière session du CSM était à la fois utile et nécessaire pour régler ces questions et aucune autre instance n’est légitime pour répondre à ces préoccupations.
S’agissant de la question de la réforme du CSM, elle n’est pas à l’ordre du jour et ne peut être entreprise sans modification constitutionnelle ; c’est au Président de la République et à lui seul qu’appartient le pouvoir de juger de l’opportunité ou non d’une telle réforme. Du reste, dans sa configuration actuelle, le CSM remplit sa mission conformément à la Constitution et est un gage de sureté pour les magistrats eux-mêmes contrairement à l’idée qui veut qu’il soit intrinsèquement composé de magistrats.
Quant à l’indépendance, loin d’être un concept galvaudé dont on se sert selon les contingences du moment où les intérêts que l’on veut défendre, elle doit plutôt être le reflet du comportement du juge car la grande menace à celle-ci, ce n’est point l’exécutif, mais sans doute au regard de ce que l’on observe comme mauvaises pratiques et manières de servir, la propension des juges à se faire «payer» le service public qu’ils sont sensés rendre au nom du Peuple et leur accointance avérée avec des avocats porteurs de valises qui n’ont de but qu’à chercher à déséquilibrer la balance en faveur du mensonge.
La Chancellerie, fidèle à sa mission, continuera à jouer sa partition dans le strict respect des textes de la République et reste ouverte à tout débat constructif qui peut faire avancer la cause de la Justice dans notre pays. Au demeurant cette cause, c’est la défense sincère des grands principes de la Justice ainsi que la poursuite de sa modernisation et du renforcement de ses ressources pour améliorer l’offre et la qualité de ce service régalien de l’Etat.
Et c’est dans cette direction pensons-nous que tous les acteurs de la Justice doivent regarder et conjuguer leurs efforts pour y parvenir.