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Sécurité : « Le Niger pourrait demander à ses partenaires (France et USA) de suspendre leurs opérations à Tillabéri », Crisis group

Publié le samedi 20 juin 2020  |  Niamey et les 2 jours
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© Autre presse par DR
La CIA va lancer des attaques de drones contre des insurgés islamistes d`Al-Qaïda et du groupe de l`Etat islamiste en Libye depuis une nouvelle base dans le nord-est du Niger, a rapporté le New York Times.
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International Crisis group a rendu public le 2 juin 2020, un rapport sur le terrorisme dans la région de Tillabéri au Niger. Un rapport dans lequel l’organisation propose des solutions pour « court-circuiter » l’Etat islamique dans cette région régulièrement victime d’attaques meurtrières djihadistes. Dans cet entretien, Hannah Rae Armstrong, Senior Sahel analyst revient sur les propositions faites par Crisis group pour venir à bout de l’Etat islamique dans cette région du Niger.

Pourquoi la crise s’est-elle accentuée dans la région de Tillabéri?

Nous publions ce rapport quelques mois après les attaques perpétrées à Inates et Chinegodar, qui ont tué plus de 150 soldats en quelques semaines. Ces attaques ont montré la gravité de la situation au Nord Tillabéri, et ont illustré la montée en puissance de l’Etat islamique (EI) dans cette zone, liée à plusieurs facteurs très divers.

Par exemple, les efforts du Niger et de l’opération Barkhane pour y repousser l’EI ont parfois eu l’inverse des résultats espérés. En 2017 et 2018, des accords ont été passés avec des milices maliennes afin qu’elles mènent des opérations contre-terroristes au Nord Tillabéri, mais certaines de ces frappes ont en fait ciblé des civils. En conséquence, Niamey s’est aliéné de nombreux résidents des communautés frontalières, qui ont de leur côté cherché la protection de l’EI. A cet égard, l’EI ne représente pas qu’une menace sécuritaire, il est aussi un concurrent de l’Etat en matière de gouvernance.

Que proposez-vous ?

Mettre l’accent sur une stratégie militaire risque de fragiliser encore plus les populations du Nord Tillabéri ainsi que leurs liens avec l’Etat. Ce dernier devrait au contraire mettre l’accent sur une stratégie politique visant à retisser les liens avec les populations et à répondre à leurs griefs.

Souvent, les gens qu’on appelle des terroristes ont été poussés à prendre les armes pour défendre leurs troupeaux, ont cherché à se venger d’attaques menées par leurs rivaux ou ont voulu assurer un accès aux ressources foncières et hydriques dont leur survie dépend. A Tingara par exemple, des tensions entre deux villages pour le contrôle de champs a poussé l’un d’entre eux à s’allier à l’Etat, tandis que l’autre s’est allié à l’Etat islamique.

La stratégie militaire est nécessaire, mais elle a ses limites. Elle doit être accompagnée d’un projet politique coordonné et ambitieux répondant aux problèmes qui concourent à la marginalisation des populations frontalières, qu’il s’agisse des tensions autour des droits fonciers ou de la sous-représentation des groupes comme les Peuls dans les institutions étatiques.

Vous avez proposé à l’Etat nigérien de poursuivre avec le dialogue. Pourquoi ?

Nous recommandons à l’Etat nigérien de dialoguer à la fois avec les communautés frontalières et avec les membres de l’Etat islamique afin de déterminer ce qui pourrait les pousser à s’éloigner du groupe jihadiste.

Après le sommet de Pau en France, les pays du Sahel central ont à nouveau mis l’accent sur le volet militaire et ont relancé de plus belle l’offensive contre l’EI dans le Liptako-Gourma, ce qui complique les stratégies de dialogue. L’Etat devrait donner la priorité au dialogue et aux projets politiques. Il arrive que les objectifs des partenaires étrangers comme la France et les Etats Unis, qui consistent notamment à tuer des terroristes, compliquent la mise en œuvre des stratégies de dialogue. Dans le cas qui nous occupe, le Niger pourrait demander à ses partenaires de suspendre leurs opérations pour lui laisser plus d’espace et de temps. Il n’est pour autant pas question ici d’abandonner les opérations militaires, mais plutôt de les intégrer dans une stratégie politique ayant des objectifs à plus long-terme. C’est le Niger qui est en première ligne, et c’est le Niger qui devra faire face aux tensions dans cette zone dans les décennies à venir.

Les chefs traditionnels nigériens sont particulièrement visés par ces attaques. Pourquoi ?

Cette dynamique est particulièrement inquiétante. Souvent, les chefs qui semblent coopérer avec l’Etat dans le cadre de sa stratégie militaire sont pris pour cibles par l’EI. A d’autres moments, il semble que les chefs sont ciblés non pas par l’EI, mais plutôt par des rivaux qui profitent du chaos pour les éliminer.

Les chefs traditionnels doivent être protégés et l’Etat devrait éviter de leur demander de jouer un rôle militaire, notamment leur demander de localiser les combattants de l’EI ou de fournir des renseignements sur leurs activités. De moins en moins de chefs peuvent de la sorte jouer le rôle de lien politique entre l’Etat et la région, un rôle particulièrement important en vue de regagner la confiance des communautés marginalisées.



Propos recueillis par Sandrine Gaingne
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