Le total cumulé des prorogations des mandats des conseils élus ne doit pas dépasser la durée du mandat du conseil municipal ou régional qui est de cinq ans. Or, selon des informations recueillies auprès de participants à la plus récente réunion du Cndp, tenue le 12 juin 2020, le Premier ministre, président dudit Cndp, a saisi la Cour constitutionnelle en vue de la voir se prononcer sur l'impossibilité pour la Ceni d'organiset les élections locales à date. Maître Issaka Souna trouve ainsi un grand avocat de sa cause qui, peutêtre parce qu'il a intérêt à ce qu'il en soit ainsi, s'est senti en devoir d'introduire la requête auprès de la plus haute juridiction en matière d'élections. Mais on ignore toujours si Brigi Rafini l'a fait au nom de son gouvernement ou au nom de la Ceni qui est, il ne faut pas le perdre de vue, une institution constitutionnelle. A-t-elle dans ce cas besoin d'une tutelle - soit-elle celle du gouvernement - pour s'adresser à la Cour constitutionnelle ? En tant qu'institution constitutionnelle, n'a-t-elle pas plutôt des rapports verticaux avec la Cour constitutionnelle, une autre institution constitutionnelle ? À moins qu'il y ait des institutions constitutionnelles de seconde zone - l'éclairage des juristes est requis - la Ceni de Maître Souna devrait s'adresser directement et sans intermédiaire à la Cour constitutionnelle.
Et puisque ce n'est pas le cas, dans une situation où les soupçons sont forts quant à la volonté du Pnds d'user de tous les subterfuges possibles, y compris dans l'usage de moyens légaux à des fins politiciennes, pour éviter des élections locales qui le mettraient nécessairement à nu dans son impopularité, il y a de quoi donner raison à ceux qui estiment qu'il s'agit là d'une collusion grave entre le gouvernement et la Ceni. Du reste, la composition de la Ceni, avec son appendice stratégique qu'est la Direction du fichier électoral biométrique (Difeb), ne laisse aucun doute sur la mainmise du Pnds sur l'institution de maître Souna.
Quoi qu'il en soit, ni la Ceni, ni le gouvernement, n'a d'excuses pour justifier cet ultime report des élections régionales et municipales d'autant plus la prorogation de février 2020 est la toute dernière qu'autorise la loi. Et la Ceni, tout comme le gouvernement, le sait parfaitement. Pressenti comme un autre coup de force du Pnds qui, depuis neuf ans, conduit les affaires publiques selon son bon vouloir et ses humeurs, le report des élections locales sera sans doute la goutte d'eau qui fera déborder le vase. La vérité est que la Ceni a traîné les pieds pendant un temps fou qui n'a à rien à voir avec l'insécurité et la pandémie. L'insécurité et la pandémie constituent un alibi qui ne pourrait pas suffire pour exonérer la Ceni. Comment, comme le dit Ousseini Salatou, une Ceni qui est installée depuis quatre ans, ne puisse pas organiser des élections locales dans la quatrième année alors qu'on a pu organiser quatre élections en neuf mois dans ce pays ? Mauvaise foi ou démarche délibérée ?
Dès le départ, l'on a vu la Ceni venir. Cette histoire de Covid 19 arrangeait ses affaires. Le retard, accumulé durant des mois, pouvait être mis sur le dos de cette pandémie décidément bienvenue pour sauver les meubles à maître Souna et ses équipiers. Quant au préil sécuritaire, il faut bien observer que la situation n'a guère empêché la Ceni de couvrir la région de Diffa à hauteur de 88,89%, ce qui constitue une prouesse dans une région qui est en état d'urgence permanente depuis 2015.
Maître Souna, peut-on dire, est dans d sales draps. Il sera, dans peu de temps, pris sous des feux nourris. S'il n'arrive pas à organiser les élections régionales et municipales à date, il doit savoir qu'il a d'ores et déjà échoué dans sa mission. Et lorsqu'on échoue et qu'on l'avoue publiquement, l'on n'a pas d'autre choix que de rendre son tablier. C'est une question d'honneur et de fierté personnelle. Maître Souna est attendu au tournant. C'est à lui de donner la preuve qu'il n'a une autre mission.