Le Pnds, à coup sûr, risque d'être isolé sur la scène politique nationale. Au pouvoir depuis neuf ans, Issoufou Mahamadou arrive bientôt au terme de son second et dernier mandat sans avoir pu faire organiser les élections locales. En 2016, année de fin du mandat des élus locaux, il a réussi l'exploit de faire l'impasse sur le renouvellement des conseils élus. Et depuis, il a procédé à des prorogations interminables de leurs mandats. Le dernier, décidé le 17 février 2020, prend fin trois mois avant la date du 1er novembre 2020, date fixée dans le chronogramme de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour la tenue des élections régionales et municipales. Et selon le code électoral, le président de la République doit procéder à la convocation du corps électoral 100 jours au moins avant la date du scrutin. De fait, tous les conseils élus qui ne sont pas encore dissouts par le ministère de l'Intérieur n'auront plus d'existence légale au-delà de fin juillet 2020. Une échéance chargée d'inquiétudes, le président de la Ceni, Me Issaka Souna, ayant informé les participants à la session extraordinaire du Conseil national de dialogue politique (Cndp), tenu le vendredi 12 juin 2020, que son institution risque de ne pas pouvoir respecter ce délai. Un pavé dans la mare ! Selon lui, le défi sécuritaire et le Covid 19 en seraient la cause. Pourtant, aussi curieux que cela paraisse, la région de Diffa, la plus affectée par l'insécurité, a été couverte par l'enrôlement à hauteur de 88, 83%, loin devant Niamey, Dosso, Maradi et Zinder.
Pour de nombreux acteurs politiques, un autre report des élections locales est inadmissible
Un report éventuel des élections locales risque de provoquer une dégradation subite du climat politique, déjà suffisamment tendu. Déjà, lors de la session du Cndp du 12 juin, les débats ont été houleux, la plupart des partis présents étant en désaccord avec cette position des ténors du Pnds, principaux animateurs de l'Etat. Les élections régionales et municipales constituent les élections privilégiées des petits partis qui glanent ici et là des sièges, s'ils ne parviennent pas encore, dans certains cas, à contrôler le conseil en ravissant la plupart des sièges. Plus nombreux désormais au Cndp, ils comptent s'appuyer sur leur poids pour imposer la tenue de ces élections à date. Mais il n'y a pas que les petits partis. Un autre report des élections régionales et municipales, après cinq ans de reports incessants, paraît le coup de force de trop. La particularité des élections locales est qu'elles sont censées refléter le mieux les suffrages des électeurs. Par sa proximité avec les acteurs (candidats et électeurs) et l'étendue maîtrisable du territoire électoral, elles offrent très peu de chance aux fraudes. En tout cas, les acteurs politiques estiment que ce sont les élections qui permettent de jauger le poids véritable des partis en présence. Pour de nombreux acteurs politiques, un autre report des élections locales est inadmissible.
Pour l'opposition, c'est une subtile démarche pour donner à son calcul politicien le cachet légal d'une Cour constitutionnelle qu'elle juge partisane.
Par delà les considérations de poids électoral, la tenue des élections locales permettent à bien d'égards de détecter les insuffisances du système électoral, de l'organisation et d'y parer avant les élections présidentielle et législatives. Ce n'est pas visiblement l'avis de tout le monde. Le régime en place, comme en 2016, chercherait- il les moyens d'éviter ces élections de vérité ? C'est le sentiment qui se dégage au sein de l'opinion publique nationale depuis que, apprend- on, le Premier ministre a saisi la Cour constitutionnelle afin de savoir quelle attitude adopter. Pour l'opposition, c'est une subtile démarche pour donner à son calcul politicien le cachet légal d'une Cour constitutionnelle qu'elle juge partisane. Dans une déclaration qu'ils ont rendue publique au lendemain de la réunion du Cndp, les différents fronts de l'opposition politique ont rejeté en bloc toutes les décisions issues de ladite réunion du Cndp et déclaré leur opposition formelle et catégorique à de toute manoeuvre visant à triturer le processus électoral et à rééditer le hold-up électoral de 2016. " L'opposition politique nigérienne ne saurait accepter, lit-on dans le communiqué, en aucune manière, la réédition des élections de 2016 ".
Pour les militants de l'opposition, comme pour de nombreux observateurs, le Pnds cherche, par tous moyens à sa portée, notamment en s'appuyant sur l'Etat et ses démembrements, à conserver le pouvoir. Pour les militants de l'opposition, comme pour de nombreux observateurs, le Pnds cherche, par tous moyens à sa portée, notamment en s'appuyant sur l'Etat et ses démembrements, à conserver le pouvoir. Il y a de quoi le croire et le soutenir. Les scandales multiples qui ont scandé les deux mandats présidentiels d'Issoufou Mahamadou pourraient en être l'explication. Les dossiers impliquant les ténors de ce parti, innombrables et portant sur des centaines de milliards, ne militent pas particulièrement pour un respect strict des règles démocratiques de la part des gouvernants actuels. La propension à mettre, coûte que coûte, les membres de ce que les acteurs de la société civile appellent la nouvelle oligarchie à l'abri de poursuites judiciaires est si forte, si prégnante, dans la conduite des affaires publiques qu'il paraît illusoire de s'attendre à autre chose.
Si le Pnds Tarayya persiste dans sa position de militer pour un report des élections locales, contre l'avis des partisans de l'opposition à tout report de ces élections, et ils se recruteraient, paraît-il, jusque dans les rangs de la majorité au pouvoir, l'on s'achemine probablement vers un clash politique de très grande envergure. Le Pnds joue avec le feu, les débats du vendredi 12, très houleux souvent, ayant révélé un ras-le-bol général dans la classe politique vis-à-vis du diktat du parti rose.