Le Mnsd Nnassara a finalement tenu son congrès extraordinaire d’investiture de son nouveau secrétaire général en la personne de Maï Salé Djibrillou, un avocat de profession. C’était le samedi 15 août 2020, comme initialement décidé. Pourtant, la veille encore, rien ne présageait de la tenue de ce congrès insolite dont l’objet était d’investir dans ses fonctions un secrétaire général non élu par un congrès. Le vendredi 14, auparavant, Abdoulkadri Tidjani, l’ancien secrétaire général et ministre de la Formation professionnelle et technique, a saisi le juge de référé aux fins d’interdire la tenue de ce congrès au motif qu’il intervenait en violation de l’article…du code électoral du parti. Il obtint gain de cause. Et pourtant, le lendemain, tôt, le matin, des grappes humaines aux couleurs du Mnsd Nassara se dirigent au palais des sports de Niamey, lieu retenu pour ledit congrès. Habitués aux coups de forces du régime en pareille circonstance, les Niameyens s’attendaient à du grabuge. Mais, rien du genre ne se passe. Les militants ont rempli la salle. En attendant, diton, le verdict de l’appel interjeté par le parti de Seïni Oumarou. Pour nombre d’observateurs, il s’agissait, là, d’un refus d’obtempérer à une décision de justice. Mais, aucune présence des forces de l’ordre n’était remarquable le samedi 15, sur les lieux. Le congrès n’était, donc, pas empêché et selon toute vraisemblance, Seïni Oumarou et son parti savaient que personne ne leur empêcherait de tenir leur congrès à la date et au lieu convenus. 24 heures auparavant, des militants ont laissé fuité sur les réseaux sociaux que le « directoire maintient le congrès pour le lendemain ». Une alerte qui va se révéler sérieuse.
Comment Seïni Oumarou a-t-il réussi à obtenir ce soutien précieux de son «joker» pour obliger la justice à se dédire ?
Le lendemain, la salle du palais des sports était pleine lorsque les militants du Mnsd apprirent que le parti a remporté son procès en appel. De toute façon, ils étaient déjà là et l’animation battait son plein, sans le moindre indice de troubles des forces de l’ordre. En vérité, des indices troublants indiquent qu’il s’est passé des choses en coulisses. Outre le fait que l’appel a été jugé dans la plus grande célérité, en quelques heures après le premier verdict, la présence des militants au palais des sports avant même d’être fixés sur l’issue traduisait une certaine assurance que le congrès, malgré tout, se tiendrait ce jour-là au palais des sports. De source politique crédible, c’est un échange téléphonique entre Seïni Oumarou et son «joker» qui a débloqué les choses. En une minute, le second a rassuré le premier. Et les réseaux d’information internes du parti ont fait le reste en relayant à tous les délégués que le congrès aurait bel et bien lieu, le lendemain. Comment Seïni Oumarou a-t-il réussi à obtenir ce soutien précieux de son «joker» pour obliger la justice à se dédire ? A-t-il usé de chantage pour le convaincre de lui prêter main forte ou a-til simplement fait prévaloir le devoir de reconnaissance de son interlocuteur ?
Le «joker» de Seïni Oumarou dont parle Ibrahim Hamidou serait-il le Président Issoufou ?
Eminent membre du bureau politique national du Mnsd, Ibrahim Hamidou a publié sur sa page facebook un post intitulé « Une nouvelle version du rocambolesque » qui en dit long sur les coulisses de ce bras de fer judiciaire qui a opposé l’ancien secrétaire général du parti au directoire du parti. Relevant d’abord que le congrès d’investiture du secrétaire général est « une chose inédite et certainement innovante dans l’histoire du parti, en marge avec les textes statutaires du grand baobab », Ibrahim Hamidou a souligné que Seïni Oumarou a fait intervenir son joker pour gagner son parti de tenir ledit congrès à la date et au lieu convenu, nonobstant la décision de justice qui demande d’attendre que le contentieux opposant les deux ailes de Maradi convoitant le poste de secrétaire général du parti soit jugé au fond. Exactement comme, précise-t-il, il l’a fait pour remettre à sa place la composante majeure de la majorité présidentielle et la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à qui il a imposé la tenue des élections locales avant la présidentielle. Le «joker» de Seïni Oumarou dont parle Ibrahim Hamidou est-il le Président Issoufou dont parle ces sources politiques ?
Un drôle de bras de fer
Par delà le bras de fer interne entre Moussa Mahamane Doutchi qui dit se ranger derrière la décision du bureau politique — il ne perd rien au change puisque c’est un ami personnel qui accède au poste — et son challenger, Abdoulkadri Tidjani, à qui Seïni Oumarou a trouvé un épilogue à sa façon, l’affaire du Mnsd met en lumière un autre bras de fer. Selon des sources crédibles, il y a de fortes connexions entre le ministre Abdouladri Tidjani et l’axe dit des syndicalistes du Pnds, dont Mohamed Bazoum, Daouda Mamadou Marthe, Kalla Moutari, etc. Le second bras de fer, localisé au sein du Pnds, opposerait ainsi cette frange du Pnds dont Abdouladri Tidjani aurait les faveurs à un courant dirigé par le Président Issoufou. Un drôle de bras de fer qui s’est déjà matérialisé dans l’affaire relative à la date de la tenue des élections locales avant l’élection présidentielle et qui surprend plus d’un d’autant plus que le Président est en fin de second et dernier mandat. Que défendraitil en prenant régulièrement à contre pied ses propres partisans ? L’issue de ce bras de fer judiciaire a, en tout cas, affaibli considérablement l’ancien secrétaire général du Mnsd, désormais en roue libre. On le voit mal s’attabler autour de Seïni Oumarou et de ses camarades du parti avec, dans la gorge, telle une arrête de poisson, l’épilogue d’une affaire qu’il ne voulait, pour rien au monde, lâcher.