Dans l’édition de l’hebdomadaire ‘’Le Canard en Furie’’ du lundi 16 août dernier, nous faisions état d’un contentieux opposant le bureau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à une équipe de chauffeurs mise à la disposition de ladite institution. Le différend porte notamment sur les émoluments mensuels qui doivent être versés aux chauffeurs, plus de 80, couvrant les régions de Diffa, Maradi et Zinder précisément. Le salaire qui doit leur être versé mensuellement est fixé à 450.000 francs initialement, soit 15.000 francs/jour. Au tout départ, ils le percevaient sans problème. Par la suite, le montant est ramené à 150.000 francs. Sans aucune explication, sans aucune entente préalable. Ce contre quoi les concernés ont décidé de réagir. En guise de protestation pour exprimer leur désaccord vis-àvis du nouveau traitement salarial, ils se sont concertés pour décider de la conduite à tenir. Laquelle conduite a consisté à ramener les véhicules au niveau des ministères et leurs démembrements où ils ont été réquisitionnés. Les responsables régionaux de la CENI ont tenté sans succès de s’opposer à l’initiative. Ils ont demandé aux chauffeurs de déposer les clefs des véhicules et de s’en aller si telle est leur décision, mais ces derniers ont refusé de se plier à l’injonction. A juste titre, serait-on tenté de dire ! Le faire, c’est courir d’éventuels risques, car les véhicules réquisitionnés peuvent être confiés à d’autres chauffeurs qui n’auraient pas de compte à rendre en cas de problèmes. Les véhicules n’appartiennent pas à la CENI, mais à d’autres institutions et services de l’Etat. Raison pour laquelle les chauffeurs engagés dans l’opération ont décidé de les ramener dans les parcs automobiles d’où ils sont sortis dans le cadre de la conduite du processus électoral.
Saisine de la Halcia
Les chauffeurs frondeurs ne se sont pas simplement contentés de ramener les voitures au niveau des services auxquels ils appartiennent. Ils ont aussi décidé de porter l’affaire devant la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (Halcia), subodorant quelque chose de louche dans la réduction drastique de leurs émoluments mensuels. De 450.000 francs au départ, se retrouver du jour au lendemain avec 150.000 francs par mois, vous conviendrez avec nous qu’il y a anguille sous roche. Devant la gravité de l’affaire, la Halcia leur a demandé de retirer leur plainte, promettant de prendre attache avec la CENI pour décanter la situation. ‘’L’attente dure depuis plusieurs semaines, nous n’avons aucune information par rapport à la gestion du dossier par la Halcia’’, s’inquiète notre source. ‘’Qu’est-ce qui se passe exactement ? Il faut qu’on nous mette dans nos droits, nous y tenons fermement’’, martèle-t-il. L’affaire mérite assurément d’être éclaircie. Question : quelle destination prennent les 10.000 sur les 15.000 francs qui sont quotidiennement comptabilisés pour les chauffeurs ? La prise en charge salariale desdits chauffeurs de l’administration publique ainsi que leur hébergement et leur restauration sont budgétisés par la CENI. Et ces prises en charge courent jusqu’à la fin de la mission, selon les termes du contrat. Pour éviter une paralysie prolongée de ses activités au niveau des trois régions du pays concernés par le mouvement d’humeur des chauffeurs, la CENI se serait rabattue sur l’Institut national de la statistique (INS) en recourant à la location de ses véhicules, apprend-on. Mais l’attente aurait été de courte durée. Les chauffeurs dudit Institut auraient aussi jeté l’éponge après avoir appris ce qui s’est passé avec leurs collègues des ministères et des autres démembrements de l’Etat.
Exacerbation de la pression sur la CENI
Cette situation vient compliquer d’avantage le travail à la CENI, qui a l’impérieux devoir de respecter le chronogramme électoral consensuel, à savoir l’organisation des locales le 13 décembre prochain, la présidentielle 1er tour couplée aux législatives le 27 du même mois et la présidentielle 2e tour le 21 février 2021. Nous sommes présentement à 6 mois du début des scrutins. Pratiquement rien n’est encore fin prêt. Le fichier électoral n’est pas encore finalisé pour être soumis à l’audit indépendant exigé par l’opposition. Or c’est après seulement ces opérations que la confection et la ventilation des cartes sécurisées dans toutes les circonscriptions électorales du pays interviendront. Comment la CENI parviendra-t-elle à relever ces multiples défis en l’espace de 5 mois, alors qu’elle est confrontée à de sérieuses difficultés financières auxquelles viennent se greffer des problèmes d’autres natures, comme ce mouvement d’humeur des chauffeurs ? Etrangement, à l’occasion chacune de ses sorties médiatiques, Me Issaka Sounna laisse croire à l’opinion national et international que le processus se déroulent normalement. A quel jeu joue-t-il finalement ? C’est la question qu’on est en droit de se poser.