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Interview du Directeur Général des Eaux et Forêts sur la production du charbon à partir du bois vert : «La fabrication du charbon à partir du bois vert constitue aujourd’hui une véritable menace pour les ressources forestières», déclare le Colonel Major Moussa Iro Morphi

Publié le mercredi 26 aout 2020  |  Le Sahel
Interview
© Autre presse par DR
Interview du Directeur Général des Eaux et Forêts sur la production du charbon à partir du bois vert : «La fabrication du charbon à partir du bois vert constitue aujourd’hui une véritable menace pour les ressources forestières», déclare le Colonel Major Moussa Iro Morphi
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La production du charbon à partir du bois vert est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur au Niger. En effet, les conséquences de la carbonisation du bois sont déjà visibles un peu partout au Niger. Elles se traduisent par la dégradation des ressources forestières, la perte de la diversité biologique et le déséquilibre écologique au niveau de l’écosystème forestier. Faute de statistiques fiables, ce sont des milliers d’arbres qui sont froidement abattus chaque année pour servir de charbon de bois dans un pays où l’avancée du désert est inexorable. Dans cet entretien, le Directeur général des Eaux et Forêts, le colonel Major Moussa Iro Morphi attire l’attention des dirigeants et des populations par rapport au phénomène de la fabrication du charbon à l’aide du bois vert. Si rien n’est fait pour mettre fin à cette pratique, les ressources forestières vont davantage s’amenuiser.

Au Niger, le charbon de bois est utilisé à des fins domestiques dans plusieurs foyers aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural, quelles sont les conséquences de la surexploitation de cette ressource forestière ?

La fabrication du charbon à partir du bois vert constitue aujourd’hui une véritable menace pour les ressources forestières. Cette pratique contribue inexorablement à la destruction de maigres et fragiles ressources forestières et du capital productif. En effet, la carbonisation du bois (fabrication du charbon à partir du bois vert) a comme conséquences la dégradation des ressources forestières, la perte de la diversité biologique et le déséquilibre écologique au niveau de l’écosystème forestier. En outre, en raison des revenus qu’elle procure aux acteurs de la chaine de carbonisation du bois, l’activité est en train de prendre une grande proportion en s’étendant dans les champs de cultures, les sites restaurés, les sites de RNA et même les plantations d’ombrage et d’alignement, où les arbres sur pied sont coupés et transformés en charbon de bois. Après avoir coupé les arbres sur pied, ces acteurs retournent déterrer les souches pour les carboniser. Comme conséquence on peut observer à perte de vue des champs de cultures, sans un arbre sur pied. Ainsi ces vastes étendues de champs se trouvent exposées aux érosions éolienne et hydrique, et s’en suivent la dégradation des terres et les déficits agro-pastoraux chroniques.

Quelles sont les statistiques que vous disposez par rapport à ce phénomène ?

Nous venons juste de commencer à rassembler les statistiques compte tenu de l’ampleur que ce phénomène prend sur l’ensemble du territoire national, alors que les textes règlementaires l’interdisent. Ce qui est sûr, la production locale et celle importée sont importantes, en témoigne les différents points de vente à Niamey et les chargements de camions de fraude qui viennent de l’extérieur.

Est-ce que la vente du charbon de bois telle qu’elle se passe actuellement respecte véritablement la réglementation en vigueur ? Que dit d’ailleurs cette réglementation?

C’est ce à quoi, nous nous sommes attelés pour vraiment comprendre l’origine du charbon de bois vendu à Niamey. Il semble qu’au niveau des points de vente, il existe deux stocks de charbon de bois, celui du Niger et celui provenant du Nigéria. Pour le charbon de bois fabriqué au Niger, la vente est illégale, car la production est interdite sur l’ensemble du territoire national conformément à l’article 118 du Décret d’application de la loi 2004-040 du 8 juin 2004, portant régime forestier au Niger). Concernant le charbon importé du Nigéria, il n’y a aucun problème, si l’origine est avérée, mais les investigations se poursuivent pour s’en assurer.

Certes, il existe des moyens de substitution tels que le charbon minéral et le gaz, pensez-vous que ces moyens sont accessibles aux populations rurales ?

Il faut un appui de l’Etat et de ses partenaires techniques et financiers pour que l’énergie de substitution au bois énergie et au charbon de bois, soit accessible au monde rural. En outre pour le charbon minéral, des efforts doivent être fournis pour améliorer le produit et l’allumage.

Quel est le rendement en charbon de bois par rapport au bois carbonisé ?

Des études ont montré que la qualité du charbon de bois est fonction de la qualité du bois, de la technique de fabrication et donc de la température de carbonisation qui peut atteindre jusqu’à 700°C dans la charbonnière. Autrement dit moins la température est basse de l’ordre de 300 °C, plus le rendement en charbon de bois est important mais de faible qualité (beaucoup d’impuretés). Par ailleurs, plus la température est haute (700°C), moins le rendement en charbon de bois est faible, mais avec une très bonne qualité. Donc partant de ces observations et pour la fabrication du charbon du bois de bonne qualité, il faut de 5 à 7 kilogrammes de bois vert pour obtenir 1 kilogramme de charbon de bois de qualité soit un rendement de 14 à 20%.

A long terme comment pensez-vous, mener la conscientisation des Nigériens surtout ceux qui vivent en milieu rural pour qu’ils abandonnent cette violence exercée sur les arbres ?

Nous sommes en train de mettre en œuvre le plan de communication de la DGEF, à travers l’axe n°1 intitulé ‘’Communication pour un changement de comportement et une action concertée’’. A cet effet, il est prévu la conception et la réalisation d’un film documentaire et d’un spot en français, en Hausa et en Djerma ainsi que des affiches, pour sensibiliser et informer les groupes cibles. A ce titre toutes les stations de radio et de télévision seront mises à contribution pour porter le message, partout où de besoin. Sur le terrain aussi la sensibilisation et la surveillance des ressources se poursuivent par les agents à tous les niveaux.

Vos services procèdent souvent à la saisie de quantité non négligeable de charbon de bois, quelles sont les statistiques par rapport à ces saisies ?

A l’approche de la fête de Tabaski, il a été organisé une opération coup de poing par la Direction en charge de la Protection de la Nature et la Direction Régionale de l’Environnement de Niamey, pour veiller au respect de la règlementation en matière d’exploitation, de transport et de commercialisation des produits du secteur. Ce qui est important de savoir, au vu de la qualité du bois saisi (petit diamètre et espèces protégées de valeur), le potentiel ligneux est entamé autrement dit les ressources forestières sont surexploitées et menacées. En outre, il a été constaté que les sacs de charbon de bois localement fabriqués, sont dissimilés dans les camions de transport de bois, pour parvenir à Niamey. A ce titre, je lance un appel pour que conformément aux dispositions des articles 35 de la loi fondamentale et 2 de la loi portant régime forestier au Niger, que chaque citoyen puisse contribuer d’une manière ou d’une autre à la protection et à la sauvegarde de ces ressources pour le bien des générations présentes et futures.
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