Coopération sécuritaire transfrontalière Niger-Nigeria : le PM Brigi Rafini à Gusau dans l’Etat de Zanfara pour une réponse commune à la criminalité et au grand banditisme
Le Premier ministre Brigi Rafini a effectué, le jeudi 27 août, une visite d’amitié et de travail à Gusau, la capitale de l’Etat de Zanfara, au Nigeria. Avec le gouverneur Bello Mohammed et les responsables sécuritaires des deux pays, le chef du gouvernement a échangé sur les voies et moyens permettant de renforcer la coopération entre le Niger et le Nigeria afin de faire face à l’amplification de la criminalité organisée et du grand banditisme dans les Etats fédérés du nord du Nigeria et qui affecte les régions frontalières de Maradi et de Tahoua, au Niger.
C’est un accueil des grands jours qui a été réservé à la délégation du premier ministre Brigi Rafini par le gouverneur de l’Etat fédéré de Zanfara, Bello Mohammed « Matawallen Maradun », qui était entouré pour la circonstance par ses principaux collaborateurs. Après la cérémonie protocolaire qui a été marquée par des échanges symboliques de cadeaux, le chef du gouverneur et son hôte ont présidé une rencontre dans la salle du conseil du siège du gouvernement à Gusau, la capitale de cet Etat situé au nord du Nigeria, à la frontière avec la région de Maradi. La rencontre qui a également enregistrée la présence des responsables des principaux services sécuritaires mais aussi ceux en charge des opérations militaires dans la zone, avait pour principal objectif d’élaborer une stratégie commune à travers une synergie d’ensemble entre les deux pays, et particulièrement les autorités des Etats et régions concernés, dans le cadre de la lutte contre le banditisme et la criminalité transfrontalière.
Défis sécuritaires communs
En prenant la parole à cette occasion, le premier ministre Birgi Rafini a tout d’abord sacrifié à la tradition en transmettant à ses hôtes, ses remerciements d’usage pour l’accueil fraternel et plein de chaleur dont lui et sa délégation ont fait l’objet. Il s’est ensuite félicité du « renforcement de cette nouvelle dynamique de coopération qui traduit désormais les relations entre les deux pays frère et voisins, le Niger et le Nigeria, dans leur objectif commun de la lutte commune contre les menaces sécuritaires transfrontalières notamment la criminalité organisée, le grand banditisme et le terrorisme». Des fléaux qui affectent les deux pays, dira le premier ministre qui a tenu à rappeler que « le banditisme et le terrorisme ne sont pas propres au Nigéria puisque le Niger est confronté aux mêmes menaces sur plusieurs fronts ». Les menaces internes comme le banditisme et la criminalité ne sont pas, en effet, nouveaux au Niger, a indiqué Brigi Rafini qui s’est référé aux attaques terroristes de Boko Haram, dans le bassin du lac Tchad, qui affectent le sud-est du Niger, ainsi que celles des groupes terroristes qui opèrent dans le nord-ouest du pays, aux frontières avec le Mali et le Burkina Faso. Au cours de son intervention, le chef du gouvernement n’a pas manqué de saluer les efforts du gouverneur Bello Mohammed pour le renforcement des relations entre les deux pays, en louant notamment, « cette initiative visant à renforcer la coopération sécuritaire entre nos deux pays et particulièrement entre les régions frontalière et qui permettra sans aucun doute de contribuer efficacement à combattre collectivement l’amplification des menaces sécuritaires communes ».
Réponse commune aux menaces sécuritaires transfrontalières
En réponse, le gouverneur Bello Mohammed « Matawallen Maradun » s’est tout d’abord félicité de cette visite du premier ministre nigérien à Gusau. Il a en ce sens remercier Brigi Rafini pour avoir accepté son invitation, en dépit de son calendrier chargé, avant de lui transmettre, ainsi qu’au président issoufou Mahamadou, les amitiés du président nigérian. « Lorsque je lui ai annoncé votre visite, le président Muhammadu Buhari s’est montré très heureux et vous a fait part de sa bonne volonté à accompagner cette initiative. Il m'a également demandé de vous demander de continuer à apporter votre aide afin de mettre fin à cette menace qui affecté nos deux pays », a rapporté le gouverneur de Zanfara au chef du gouvernement nigérien.
Evoquant la situation sécuritaire, il a exposé son impact sur le développement socioéconomique de nos pays ainsi que sur le vécu quotidien des populations. Le gouverneur Bello Mohamed a saisi l’occasion pour transmettre au premier ministre Brigi Rafini, les doléances de l’Inspecteur général de la Police fédérale nigériane, Abdullahi Adamu, pour le renforcement des mesures que prend le Niger pour bloquer le transit des armes à destination du Nigeria à travers le Niger. «Nous sommes conscients qu'en raison de la pression exercée sur eux par les forces de défense et de sécurité, les passeurs d’armes au Nigéria n’utilisent plus les véhicules mais font maintenant recours à d’autres méthodes comme les chameaux et les ânes pour faire transiter les armes », a souligné le gouverneur de Zanfara, qui a annoncé à cette occasion, un don de cinq (5) véhicules pour renforcer la surveillance sécuritaire, en plus des drones déjà fournis au Niger pour renforcer la sécurité frontalière.
« Bien que les pressions de nos forces de sécurité ont permis de contenir la contrebande la contrebande d'armes avec des véhicules, les criminels ont adopté un nouveau modus operandi consistant à utiliser des animaux pour transporter des armes sur notre territoire. Nous avons donc décidé de vous faire un don de 5 véhicules de patrouille aux frontières en plus des drones que nous vous fournis pour renforcer la sécurité transfrontalière ». Mohamed Bello « Matawallen Maradun », gouverneur de l’Etat de Zanfara (Nigeria)
Défis sécuritaires et enjeux socioéconomiques
Depuis quelques années, plusieurs Etats du nord du Nigeria (Kano, Zanfara et Katsina) sont affectés par une amplification des menaces sécuritaires particulièrement le grand banditisme et la criminalité organisée. Les attaques meurtrières des bandits armés contre les civils et des enlèvements avec demande de paiement de rançon ne cessent de se multiplier avec leur lot quotidien de désolation. Des menaces sécuritaires qui affectent également le Niger notamment les régions frontalières de Maradi et de Tahoua. Malgré la riposte des autorités à travers un déploiement supplémentaire des forces de sécurité et même militaires ainsi que des patrouilles mixtes, ces attaques meurtrières se sont intensifiées ces derniers mois particulièrement dans la partie nigériane. Cette situation s’est également traduite par la dégradation de la situation humanitaire avec un déplacement massif des populations nigérianes, en majorité des femmes et des enfants, qui fuient les violences vers les villages et villes nigériens. Selon les dernières estimations des ONG humanitaires et des autorités locales, près de 60.000 déplacés ont été recensés particulièrement dans les départements de Guidan-Roumdji et de Madarounfa (Région de Maradi). Les régions frontalières du Niger ne sont également pas épargnées par les attaques et enlèvements qui se sont étendus dans la zone avec la circulation d’armes et des bandits qui se replient assez souvent au Niger où ils ont également des complices qui n’hésitent à répliquer leurs méthodes criminelles sur les populations locales.
Face à cette situation, les autorités des deux pays ont depuis renforcé leur coopération sécuritaire et au Niger, en plus des patrouilles des forces de sécurité (Police, garde nationale et gendarmerie), le Bataillon d’intervention du Commandement des opérations spéciales (BI/COS), basé à Maradi, a aussi renforcé sa présence sur le terrain. Plusieurs accrochages ont été d’ailleurs enregistrés entre les soldats nigériens et les bandits armés qui se sont attaqués à plusieurs reprises à des villages des régions de Maradi et Tahoua.
En plus de ces menaces, l’autre facteur qui justifie le renforcement de la coopération sécuritaire frontalière entre le Niger et le Nigeria, c’est la circulation d’armes légères mais aussi de gros calibres ainsi que des munitions de tout acabit. La montée en puissance du terrorisme et de la criminalité organisée, particulièrement au Nigeria, a fait exploser le marché des armes dans la zone et le Niger est devenu un des principaux pays de transit pour les trafiquants qui les font parvenir du nord, de la Lybie particulièrement où la situation sécuritaire est également critique. A plusieurs reprises, des saisies importantes de cargaison d’armes ont été effectuées par les forces de défense et de sécurité (FDS) nigériennes comme c’est le cas le 8 juillet dernier avec l’interception par la brigade de gendarmerie de Guidan Roumdji, à une cinquantaine de Kms de Maradi et pas très loin de la frontière nigériane, de 21 fusils AK47, 26 chargeurs, 6124 cartouches, 309.000 Naira et une moto. La cargaison, en provenance du nord du pays à bord d’un véhicule 4×4, était à destination du Nigeria comme l’a relevée l’enquête qui a été menée suite à l’interpellation de deux guetteurs et d’un individu dont la maison a servi de lieu de cache au véhicule des trafiquants et leurs passeurs. Cette situation a d’ailleurs été l’une des raisons mis en avant par l’administration fédérale de Buhari pour fermer unilatéralement, depuis août 2019 bien avant le Covid-19, ses frontières avec ses voisins principalement le Niger et le Benin. Ce qui a considérablement impacté la situation économique du Niger, bien que dans une moindre mesure le Nigeria aussi, au regard de l’ampleur des flux commerciaux entre les deux pays. En plus des relations socioculturelles et historiques, le Nigeria est, en effet, le premier partenaire commercial du Niger.